Origami à la manière des perce-oreilles

Des chercheurs de l'ETH ont mis au point des structures d'origami multifonctionnelles et les ont fabriquées à l'aide d'une imprimante 3D. Ils ont copié le principe à la base de ces formes sur le ver d'oreille.

Vue agrandie : les ailes d'un perce-oreille sont tendues par l'articulation centrale de l'aile sans dépense d'énergie ou de stabilisation. (Image : Jakob Faber / ETH Zurich)
Les ailes d'un perce-oreille sont tendues par l'articulation centrale de l'aile sans dépense d'énergie ou de stabilisation. (Photo : Jakob Faber / ETH Zurich)

Tous les enfants connaissent l'origami. Cet art du pliage oriental permet de réaliser des formes parfois très complexes à partir d'une feuille de papier plate. Mais l'origami existe aussi dans la nature. L'aile du perce-oreille en est l'un des exemples les plus extraordinaires. Elle surpasse de loin les ?uvres d'art de pliage faites par l'homme.

L'aile ouverte du perce-oreille est plus de dix fois plus grande que l'aile fermée - un record mondial dans le règne animal. La grande surface portante permet à l'insecte de voler. Et gr?ce à l'emballage compact, il peut aussi se faufiler dans les tunnels souterrains sans endommager ses ailes. Une autre particularité de l'aile est qu'elle est stable en position ouverte, sans que le perce-oreille n'ait besoin d'utiliser ses muscles pour la stabiliser, et qu'elle se replie complètement d'elle-même en un seul "clic", également sans travail musculaire.

En regardant la vidéo, vous acceptez la déclaration de confidentialité de YouTube.En savoir plus OK
L'art de l'origami de l'oreillette

La simulation met les choses en lumière

Des chercheurs de l'ETH Zurich et de l'université de Purdue ont désormais percé le secret de l'origami du perce-oreille. Ils ont créé une structure artificielle qui fonctionne selon le même principe. Leur travail vient d'être publié dans la revue spécialisée "Science".

Pour analyser la structure et le fonctionnement de l'aile, le premier auteur de l'étude, Jakob Faber, du groupe du professeur de l'ETH André Studart, en collaboration avec Andres Arrieta, professeur à l'université de Purdue, a utilisé une simulation informatique de l'aile.

Elle montre : Si l'aile fonctionnait selon le principe classique de l'origami avec des plis rigides et droits avec une somme d'angles de 360 degrés à leurs intersections, l'insecte pourrait la replier à seulement un tiers de sa taille. Au contraire, il est essentiel pour l'aile du perce-oreille que ses plis soient élastiques et puissent agir soit comme ressort de traction, soit comme ressort de torsion.

En fait, les plis de l'aile du perce-oreille sont dotés d'une protéine filamenteuse particulière, appelée résiline. Selon la disposition et l'épaisseur des couches de résiline, un pli fait office de ressort de traction ou de ressort de torsion. Parfois, les deux fonctions sont combinées.

Faber et ses collègues ont en outre étudié le point de l'aile du perce-oreille qui est responsable de la stabilité tant de l'état ouvert que de l'état fermé : l'articulation centrale de l'aile. C'est là que les lignes de pliage se croisent à des angles qui ne sont en fait pas compatibles avec l'origami classique. "Ce point bloque l'aile à l'état ouvert comme à l'état fermé", souligne Faber.

Produit imprimé en 4D

Les chercheurs ont transféré les résultats des expériences informatiques sur une imprimante multimatériaux. Ils ont ainsi fabriqué en une seule fois un élément dit 4D composé de quatre plaques de plastique dur, reliées entre elles par un plastique souple et élastique. Les fonctions de ressort des plis de liaison ont été programmées dans le matériau, de sorte que ceux-ci sont responsables des mouvements de traction ou de rotation, conformément à la formation préalable naturelle.

Dans sa forme ouverte, l'élément est stable, comme l'aile d'insecte. Si on le touche légèrement, il se replie de lui-même.

Dans une étape suivante, les chercheurs ont appliqué le principe à des éléments plus grands et ont imprimé une pince de préhension en origami. Celle-ci se ferme d'elle-même, se bloque et peut ensuite tenir des objets sans que la pince ne s'ouvre.

Des voiles solaires peu encombrantes

Les éléments d'origami à fermeture automatique imprimés en 3D de Faber ne sont encore que des prototypes. Les applications envisagées sont d'abord l'électronique pliable. Mais l'aérospatiale s'intéresse aussi aux voiles solaires pour satellites ou sondes spatiales, qui peuvent être transportées dans un espace réduit et déployées sur une grande surface sur le lieu d'utilisation. Les structures origami auto-bloquantes, inspirées des ailes de perce-oreilles, permettraient d'économiser de la place, du poids et de l'énergie, car elles n'ont pas besoin d'entra?nement ni de stabilisateurs supplémentaires.

Mais le chercheur de l'ETH peut aussi imaginer des choses plus profanes, comme des tentes à lancer qui se plient elles-mêmes, des cartes géographiques ou des notices d'emballage. "Si l'on déplie une telle carte, il est souvent impossible de la remettre dans sa forme initiale. En revanche, si elle se pliait correctement d'elle-même à chaque fois, cela permettrait d'économiser quelques efforts", explique Faber avec un clin d'?il.

L'imitation de l'aile du perce-oreille imprimée en 3D peut être pliée de manière compacte. L'automatisme de pliage ne fonctionne toutefois que pour des prototypes plus simplifiés. (Image : ETH Zurich / Peter Rüegg)
L'imitation de l'aile du perce-oreille imprimée en 3D peut être pliée de manière compacte. L'automatisme de pliage ne fonctionne toutefois que pour des prototypes plus simplifiés. (Image : ETH Zurich / Peter Rüegg)

Référence bibliographique

Faber JA, Arrieta AF, Studart AR. Origami de printemps bio-inspiré. Science, published online, 22nd March 2018. DOI page externe10.1126/science.aap7753

JavaScript a été désactivé sur votre navigateur.