Des bio-circuits plus précis et programmables

Une équipe dirigée par le professeur de l'ETH Yaakov Benenson a développé plusieurs nouveaux blocs de construction pour les circuits biologiques. Ces blocs de construction sont des conditions importantes pour la construction de bio-ordinateurs programmables et fonctionnant avec précision.

Vue agrandie : image symbole biocomputer
Les chercheurs élargissent les possibilités d'application des circuits biologiques. Arrière-plan de l'image : image microscopique de cellules rénales humaines avec des protéines fluorantes en culture cellulaire. (Image : Montage / iStock)

Les bio-ingénieurs travaillent au développement d'ordinateurs biologiques. L'un de leurs objectifs est de développer de petits circuits construits à partir de matériel biologique qui peuvent être introduits dans des cellules pour en modifier la fonction. Il pourrait ainsi être possible à l'avenir de reprogrammer les cellules cancéreuses pour qu'elles ne se divisent plus de manière incontr?lée. Les cellules souches pourraient également être reprogrammées en cellules différenciées d'organes.

Les chercheurs n'en sont pas encore là. Certes, au cours des vingt dernières années, ils ont développé des composants individuels ainsi que des prototypes d'ordinateurs biologiques. Mais les bio-ordinateurs actuels sont encore très différents de leurs homologues en silicium, et les bio-ingénieurs se heurtent à quelques obstacles de taille.

Ainsi, une puce de silicium calcule avec des uns et des zéros - le courant passe ou ne passe pas - et il est possible de passer d'un état à l'autre à la vitesse de l'éclair. Les signaux biologiques, en revanche, sont moins clairs : outre "signal" et "pas de signal", il existe encore une multitude d'états transitoires avec "un peu de signal". C'est un inconvénient particulier pour les composants de bio-ordinateurs qui servent de capteurs pour une certaine biomolécule et qui doivent transmettre le signal correspondant dans le circuit. Parfois, ils envoient un signal de sortie même s'il n'y a pas de signal d'entrée. C'est particulièrement souvent le cas lorsque plusieurs composants de ce type sont connectés les uns après les autres dans un circuit.

Un biocapteur qui ne "fuit" pas

Le doctorant de l'ETH Nicolas Lapique, du groupe de Yaakov Benenson, professeur de biologie synthétique au Département des systèmes biologiques de l'ETH Zurich à B?le, vient de mettre au point un interrupteur biologique qui permet de contr?ler dans le temps l'activité de certains composants de capteurs. Il est ainsi possible de construire des circuits de telle sorte qu'un capteur ne soit pas actif tant qu'il n'est pas utilisé dans le système. S'il est nécessaire, il peut être activé par un signal de commande. Les scientifiques ont récemment publié leurs travaux dans la revue spécialisée Nature Chemical Biology.

Pour comprendre la technique sous-jacente, il faut savoir que ces capteurs biologiques sont constitués de gènes qui sont lus par des enzymes et convertis en ARN et éventuellement aussi en protéines. Dans le biocapteur contr?lable de Lapique, le gène responsable du signal de sortie n'est pas actif à l'état de base, car il est intégré dans l'ADN du circuit dans une mauvaise orientation. Le gène est activé par une enzyme spéciale, une recombinase, qui coupe le gène de l'ADN du circuit et le réintègre dans la bonne orientation. C'est ainsi qu'il devient actif. "Cela permet de transmettre les signaux d'entrée de manière beaucoup plus précise que jusqu'à présent et, si on le souhaite, de les retarder dans le temps", explique Benenson.

Jusqu'à présent, les scientifiques ont testé le fonctionnement de leur capteur activable dans des cultures cellulaires de cellules rénales humaines et de cellules cancéreuses. Mais ils sont déjà en train de développer le capteur de manière à ce qu'il puisse être utilisé dans un bio-ordinateur plus complexe, capable de reconna?tre et de tuer les cellules cancéreuses. Pour ce faire, il est adapté de manière à reconna?tre les molécules typiques du cancer. Si de tels marqueurs cancéreux sont présents dans une cellule, le circuit pourrait par exemple déclencher un programme de suicide cellulaire. Les cellules normales sans marqueurs cancéreux n'en seraient pas affectées.

Développement d'un nouveau convertisseur de signaux

L'assemblage de différents composants biologiques en un bio-ordinateur plus complexe constitue toutefois un défi de taille pour les bio-ingénieurs. "En électronique, les différents composants d'un circuit sont toujours reliés de la même manière : par un fil dans lequel le courant passe ou ne passe pas", explique Benenson. En biologie, en revanche, il existe une multitude de signaux différents - de nombreuses protéines différentes, par exemple, ou des molécules de micro-ARN tout aussi nombreuses. Pour que les composants biologiques puissent être combinés à volonté, des convertisseurs de signaux doivent être intercalés.

Laura Prochazka, également doctorante chez Benenson, a développé un convertisseur de signaux plus polyvalent et l'a récemment publié dans la revue Nature Communications. La particularité de ce nouveau composant est qu'il ne se contente pas de convertir un signal en un autre. Au contraire, il permet aux scientifiques de convertir plusieurs signaux biologiques d'entrée en plusieurs signaux de sortie.

Cette nouvelle plate-forme biologique permet d'élargir considérablement les applications des circuits biologiques. Benenson : "Comme les circuits biologiques peuvent être combinés à volonté, on peut désormais parler de programmation pour les ordinateurs biologiques - à l'avenir, les bio-ingénieurs pourront donc littéralement programmer".

Référence bibliographique

Lapique N, Benenson Y : Commutation numérique dans un circuit de biocapteurs via le timing programmable de la disponibilité des gènes. Nature Chemical Biology, publication en ligne du 14 octobre 2014, doi : c?té externe10.1038/nchembio.1680

Prochazka L, Angelici B, H?fliger B, Benenson Y : Highly modular bow-tie gene circuits with programmable dynamic behavior, Publication en ligne du 14 octobre 2014, doi : c?té externe10.1038/ncomms5729

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