Une invasion propulsée par l'hydrogène

Alors que l'homme commence seulement lentement à utiliser l'hydrogène comme source d'énergie, la nature a déjà mis en ?uvre ce concept depuis longtemps. Des chercheurs de l'ETH ont découvert que les salmonelles, bactéries redoutées pour leur diarrhée, utilisent l'hydrogène comme source d'énergie pour coloniser l'intestin.

Vue agrandie : Salmonelles lors de l'invasion intestinale
En métabolisant des glycoprotéines et des glucides complexes, les bactéries intestinales (microbiote) produisent la source d'énergie (hydrogène, H2) nécessaire à l'invasion intestinale de Salmonella. (Illustration : Lisa Maier / ETH Zurich)

Dans un intestin sain pullulent des milliards de bactéries intestinales qui favorisent la digestion et maintiennent l'intestin en bonne santé. Une multitude de micro-organismes différents, le microbiote, colonise l'intestin de manière si dense que les agents pathogènes n'ont en général aucune chance de s'y multiplier. Certains agents pathogènes, comme la bactérie de la diarrhée Salmonella Typhimurium, parviennent toutefois à pénétrer dans cet écosystème densément peuplé. Des chercheurs de l'ETH Zurich ont fait un pas de plus vers la réponse à la question de savoir comment Salmonella y parvient. Ils ont découvert d'où l'agent pathogène tire l'énergie nécessaire à son avancée.

Wolf-Dietrich Hardt, professeur de microbiologie à l'ETH, et sa doctorante Lisa Maier ont étudié les facteurs qui jouent un r?le dans la phase précoce de l'invasion de Salmonella. Pendant l'invasion de l'écosystème intestinal, Salmonella Typhimurium utilise une enzyme qui lui permet de s'imposer face au microbiote : l'hydrogénase, qui métabolise l'hydrogène pour produire de l'énergie. "On savait certes que Salmonella Typhimurium pouvait utiliser l'hydrogène parmi de nombreuses autres sources d'énergie. Mais on ne savait pas encore de quelle source d'énergie elle profitait pendant cette phase précoce de la colonisation de l'intestin", explique Maier.

Une économie d'hydrogène voleuse

L'hydrogène est produit dans l'intestin en tant que produit intermédiaire du métabolisme normal du microbiote. "Salmonella pratique donc une économie d'hydrogène voleuse en puisant de l'énergie dans le microbiote pour s'imposer contre ce même microbiote", explique Hardt. Comme le métabolisme du microbiote fonctionne de manière similaire chez la plupart des animaux, l'agent pathogène trouve dans chaque nouvel h?te animal la source d'énergie nécessaire à sa première avancée.

Une fois que Salmonella Typhimurium a réussi à se multiplier dans l'intestin, la bactérie pénètre dans le tissu intestinal et provoque une inflammation et une diarrhée. Dans certains cas, Salmonella Typhimurium pénètre même dans la circulation sanguine et les organes internes. Des études animales ont montré que la poussée énergétique de l'hydrogène ne joue pas un r?le essentiel dans ce cas. "En dehors de la lumière intestinale, Salmonella Typhimurium ne doit pas non plus se faire une place dans une communauté dense de microorganismes", fait remarquer Maier.

Le talon d'Achille de la flore intestinale

L'enzyme hydrogénase est également présente dans certaines autres bactéries, comme Escherichia coli et Helicobacter pylori, qui est responsable des ulcères gastriques. Les chercheurs supposent donc que d'autres agents pathogènes utilisent également l'hydrogène produit par la flore intestinale comme source d'énergie. Ainsi, le propre produit métabolique du microbiote devient un point faible dans le rempart contre toute une série de germes pathogènes.

"La flore intestinale est censée protéger contre les infections, mais nous avons ici pour la première fois un cas où nous voyons qu'elle favorise même les infections en tant que fournisseur involontaire d'énergie", explique Hardt. L'interaction entre le microbiote et les agents pathogènes serait donc plus complexe qu'on ne le pensait à l'origine.

Littérature

Maier L, Vyas R, Cordova CD, Lindsay H, Schmidt TSB, Brugiroux S, Periaswamy B, Bauer R, Sturm A, Schreiber F, von Mering C, Robinson MD, Stecher B, Hardt WD : Microbiota-Derived Hydrogen Fuels Salmonella Typhimurium Invasion oft he Gut Exosystem. Cell Host & Microbe, December 11, 2013. DOI : page externe10.1016/j.chom.2013.11.002

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