Résistance à la mosa?que élucidée

Des chercheurs de l'ETH Zurich, des ?tats-Unis et de l'Ouganda ont découvert le gène qui confère à certains cultivars de manioc une résistance à la redoutable maladie de la mosa?que du manioc. C'est une étape importante pour la culture de plantes résistantes.

Feuilles de cassave vertes d'une plante saine.
Feuilles saines d'un pied de manioc en Afrique. (Image : Wilhelm Gruissem / ETH Zurich)

Le manioc (ou cassave) est un aliment de base et une source importante de matières premières pour près d'un milliard de personnes. En Afrique notamment, cette plante utile assure un revenu aux petits paysans. Le manioc est peu exigeant, il n'a guère besoin d'engrais et pousse même dans les régions arides.

Cependant, de nombreux parasites et maladies rendent sa culture difficile. La maladie de la mosa?que du manioc (en anglais : Cassava Mosaic Disease, CMD) est particulièrement redoutée ; elle est causée par des virus de l'ADN génétique et provoquée par des mouches blanches suceuses de sève (Bemisia tabaci) est transmise aux plantes. La mosa?que peut détruire des champs entiers et anéantir les rendements.

C'est surtout en Afrique et en Inde que cette maladie pose problème. Mais entre-temps, le virus se propage de plus en plus dans les champs de manioc d'Asie du Sud-Est également. Les cultivateurs et les agriculteurs ont donc un besoin urgent de cultivars résistants, c'est ainsi que l'on appelle les variétés de manioc.

Un consortium de recherche découvre un gène de résistance

La nouvelle découverte d'une équipe de recherche internationale dirigée par Wilhelm Gruissem, professeur de biotechnologie végétale à l'ETH Zurich, pourrait permettre de remédier à cette situation. Dans un cultivar de manioc d'Afrique de l'Ouest, ils ont détecté pour la première fois le gène responsable d'une certaine résistance au virus de la mosa?que du manioc à l'aide d'analyses génomiques complexes et longues.

A l'origine, la résistance a été découverte par des paysans d'Afrique de l'Ouest. Ils ont observé que quelques exemplaires de leurs plants de manioc survivaient à une infection virale, tandis que la majorité des autres plantes dépérissaient. Cela a attiré l'attention des chercheurs, qui ont alors tenté de découvrir la raison de cette résistance.

Plante vivace de manioc infectée par des géminivirus à ADN qui provoquent la maladie de la mosa?que du manioc.
La plante de gauche est infectée par des virus de la génétique de l'ADN qui provoquent la maladie de la mosa?que du manioc, la plante de droite est en revanche saine. (Photo : Wilhelm Gruissem / ETH Zurich)

Dans l'étude qui vient d'être publiée dans Communications de la nature les chercheurs démontrent qu'un seul gène est responsable de cette résistance. Ce gène représente le plan de construction de ce qu'on appelle l'ADN polymérase, une enzyme responsable de la réplication de l'ADN dans la cellule. Mais la polymérase ne se contente pas d'assembler l'ADN, elle effectue également une lecture corrective afin d'éliminer les erreurs dans la séquence de construction qui peuvent survenir lors de la réplication de l'ADN. Et c'est précisément de cette enzyme que les géminivirus ont besoin pour la réplication de leur ADN et, par conséquent, pour leur propre multiplication.

L'ADN polymérase fonctionne-t-elle mal ?

Comme le manioc possède un double jeu de chromosomes, il existe deux copies de chaque gène. Si l'une des deux copies du gène de l'ADN polymérase est mutée, les virus ne peuvent pas se multiplier et l'infection s'arrête. En revanche, dans les plantes sensibles à la maladie, aucune des deux copies ne présente de telles modifications, qui entra?nent la résistance à la CMD.

"Nous ne savons pas encore exactement comment fonctionne le mécanisme de résistance", explique Wilhelm Gruissem. "Cela doit maintenant être examiné dans de futures études", mais il fait l'hypothèse suivante : Les mutations concernent une zone de l'enzyme responsable de la correction des erreurs lors de la synthèse de l'ADN. Les modifications pourraient faire en sorte que la polymérase ne travaille pas proprement et ne corrige pas les erreurs dans l'ADN viral reproduit, ce qui, en fin de compte, stopperait la multiplication et la propagation des virus dans la plante.

L'édition du génome permet de mieux cibler la sélection de résistance

Une femme africaine épluche une racine de manioc avec un couteau
Une femme épluche une racine de manioc afin de la préparer pour le repas. En Afrique, le manioc fait partie des aliments de base. (Image : W.Gruissem / ETH Zurich)

En identifiant la résistance dite CMD2, les chercheurs apportent une contribution importante à la sécurité alimentaire dans les régions tropicales et subtropicales. Le gène identifié sert désormais de marqueur génétique aux sélectionneurs, indiquant si la résistance est présente ou non dans leurs plantes.

Pour des raisons économiques et agronomiques, il n'est pas question d'exporter en Asie des tiges destinées à la multiplication de plantes résistantes en provenance d'Afrique de l'Ouest. Les cultivateurs asiatiques doivent donc trouver un autre moyen d'introduire la résistance dans leurs plantes. "L'une des possibilités est d'éditer le gène avec précision à l'aide d'une technologie Crispr-Cas moderne, afin de produire la résistance", explique Gruissem.

Avec ce projet, Wilhelm Gruissem met un terme à ses activités de recherche à l'ETH Zurich. ?gé de 70 ans, il prendra sa retraite fin juillet. Au cours des trois prochaines années, il poursuivra ses recherches à Ta?wan, où il a obtenu une prestigieuse bourse d'études. Il ne pourra toutefois pas continuer à travailler sur le virus CMD, car il n'existe pas à Taiwan et ne peut pas être importé pour des études en laboratoire. Il espère donc que ses collègues américains pourront résoudre une partie des questions en suspens.

Outre l'ETH Zurich, des chercheurs du Donald Danforth Plant Science Center à St. Louis, de l'Université de Californie Los Angeles et du National Crops Resources Research Institute en Ouganda ont participé à cette étude. La recherche a été financée en grande partie par la Fondation Bill & Melinda Gates.

Référence bibliographique

Lim YW, Mansfeld BN, Schl?pfer P et al. Mutations in DNA polymerase δ subunit 1 co-segregate with CMD2-type resistance to Cassava Mosaic Geminiviruses. Nat Commun 13, 3933 (2022). Doi : page externe10.1038/s41467-022-31414-0

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