Pourquoi Covid-19 touche-t-il davantage les personnes ?gées que les jeunes ?

Nos tissus pulmonaires se raidissent avec l'?ge. Il est possible que le Sars-CoV-2 en profite. Une hypothèse de Caroline Uhler et G. V. Shivashankar.

Caroline Uhler, G. V. Shivashankar

Le nouveau coronavirus touche jeunes et vieux. Les évolutions graves et potentiellement mortelles de la maladie sont toutefois plus fréquentes chez les personnes ?gées. On ne sait pas pourquoi il en est ainsi. Certains scientifiques supposent que cela pourrait être lié à l'affaiblissement du système immunitaire avec l'?ge. On sait que les seniors sont plus sensibles à de nombreuses maladies infectieuses que les personnes plus jeunes.

Cependant, il pourrait y avoir une autre explication : Lorsque nous, les humains, vieillissons, la structure, les propriétés mécaniques et les fonctions des cellules de notre corps changent. Il est possible que le nouveau coronavirus profite justement de cela, qu'il puisse se multiplier plus facilement dans les cellules des personnes ?gées et que cela favorise des évolutions de maladies plus graves.1 ? notre avis, cette hypothèse mérite d'être étudiée plus en détail. Si nous savons exactement ce que le virus fait dans les cellules des personnes ?gées, nous saurons également à quelles fonctions cellulaires les médicaments doivent s'attaquer. Cette information est donc cruciale pour la recherche de substances actives contre Covid-19.

Vue agrandie : Coronavirus
Les coronavirus se multiplient dans une cellule. A droite, on peut voir des virus complets. (Illustration : David S. Goodsell, RCSB Protein Data Bank ; doi : 10.2210/rcsb_pdb/goodsell-gallery-023)

Le tissu pulmonaire se raidit avec l'?ge

Lorsque le nouveau coronavirus infecte les humains, il s'attaque en premier lieu aux cellules de la muqueuse (cellules épithéliales) de l'appareil respiratoire. A l'intérieur de la cellule, le virus prend le contr?le de la cellule pour produire en masse de nouveaux virus que la cellule libère finalement - prête à infecter les cellules suivantes dans le même corps et à infecter d'autres personnes via les gouttelettes émises lors de la toux ou des éternuements. Certes, le nouveau coronavirus pénètre dans les cellules du corps aussi bien chez les jeunes que chez les personnes ?gées. Les conséquences peuvent toutefois être très différentes dans certaines circonstances. Comment cela se produit-il ?

Il est bien connu que les tissus des poumons et des voies respiratoires perdent de leur élasticité avec l'?ge. Cela est notamment lié aux cellules du tissu conjonctif de ces organes qui, avec l'?ge, déposent davantage de fibres protéiques dans les tissus, qui se raidissent. Cela a à son tour une influence sur les processus mécaniques à l'intérieur des cellules de la muqueuse et même sur le contr?le génétique de leurs fonctions cellulaires. C'est ce lien entre la mécanique et les fonctions cellulaires que nous avons mis en évidence dans nos recherches communes au cours des dernières années.2

"Dans la recherche de substances actives, il faudrait élargir la focalisation aux substances qui inhibent la multiplication des virus ou qui influencent les propriétés mécaniques de la cellule".Caroline Uhler et G. V. Shivashankar

?tant donné que les coronavirus dépendent des fonctions de leurs cellules h?tes pour se reproduire, et que ces fonctions dépendent à leur tour des propriétés mécaniques de la cellule, nous supposons que la mécanique et les fonctions différentes des cellules des personnes ?gées pourraient favoriser la multiplication du virus. Pour savoir si c'est effectivement le cas, on pourrait par exemple utiliser des biopsies ou des expériences de culture cellulaire.

Ne pas se limiter à l'infection

Nos réflexions donnent également des pistes pour le développement de médicaments contre le Covid-19. L'un des axes de recherche actuels porte sur le processus d'infection immédiate de la cellule : Les scientifiques cherchent des substances actives qui empêchent le virus d'infecter les cellules. Cette infection semble toutefois se dérouler de manière similaire chez tous les patients, même chez ceux qui présentent des sympt?mes peu prononcés. En gardant cela à l'esprit et en tenant compte de notre hypothèse, il faudrait élargir l'objectif de la recherche de substances actives, à des substances qui inhibent la multiplication du virus ou qui influencent les propriétés mécaniques de la cellule.

Nous prévoyons de développer des modèles in vitro et des méthodes d'apprentissage automatique (machine learning) permettant de tester des principes actifs candidats, qu'il s'agisse de médicaments autorisés qui pourraient être réaffectés ou de principes actifs nouvellement développés. Car il est important que la recherche sur le Sras-CoV-2 ne se concentre pas uniquement sur le virus lui-même, mais que nous étudiions également la manière dont le virus se comporte dans les cellules des jeunes et des personnes ?gées. Et pour cela, nous ne devons pas seulement nous intéresser aux différences génomiques entre ces cellules, mais aussi aux différences mécaniques.

Références

1 Uhler C, Shivashankar GV : Mechano-genomic regulation of coronaviruses and its interplay with ageing. Nature Reviews Molecular Cell Biology 2020, doi : page externe10.1038/s41580-020-0242-z

2 Uhler C, Shivashankar GV : Regulation of genome organization and gene expression by nuclear mechanotransduction. Nature Reviews Molecular Cell Biology 2017. 18 : 717, doi : page externe10.1038/nrm.2017.101

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