Les matériaux légers les plus rigides qui soient

Des scientifiques de l'ETH ont développé un mode de construction qui confère une rigidité maximale aux matériaux de construction légers. Développer un mode de construction encore plus rigide est pratiquement impossible.

Structures de plaques
Les futurs matériaux de construction légère fabriqués par fabrication additive présenteront une structure de plaques. (Visualisation : ETH Zurich / Marc Day)

L'impression 3D et d'autres procédés de fabrication additive permettent de fabriquer des matériaux avec des structures internes d'une complexité jusqu'ici insoup?onnée. Cela est également intéressant pour la construction légère. En effet, il est ainsi possible de développer des matériaux avec la plus grande proportion possible de cavités internes (afin que les matériaux soient les plus légers possible), tout en étant les plus stables possibles. Pour y parvenir, les structures internes doivent être construites de manière intelligente et aussi efficace que possible.

Des chercheurs de l'ETH Zurich et du MIT, sous la direction de Dirk Mohr, professeur de modélisation numérique des matériaux dans la fabrication, ont maintenant développé de nouvelles structures internes pour des matériaux qui doivent absorber des forces non pas dans une seule direction, mais dans les trois dimensions, tout en étant extrêmement rigides.

Les mathématiques permettent de déterminer la rigidité théorique des matériaux à cavités internes. Et cela permet de montrer que la nouvelle méthode de construction de Mohr est extrêmement proche de cette limite supérieure théorique de rigidité. En d'autres termes, il est pratiquement impossible de développer d'autres structures de matériaux qui soient encore plus rigides pour un poids donné.

Des plaques plut?t que des grilles

Structure des plaques
Cette structure est l'une des plus rigides qui soient. (Source : Tancogne-Dejean T et al. Advanced Materials 2018)

La caractéristique de ce nouveau mode de construction est que la rigidité à l'intérieur du matériau n'est pas obtenue avec des barres de grille, mais avec des structures de plaques qui se répètent régulièrement.

"Le principe du treillis est très ancien, il est utilisé depuis longtemps pour les maisons à colombages, les ponts métalliques et les tours en acier comme la Tour Eiffel. On peut voir à travers les structures en treillis. Celles-ci sont donc souvent per?ues comme des structures légères optimales", explique le professeur Mohr de l'ETH. "Or, gr?ce à des calculs informatiques et des mesures expérimentales, nous avons pu montrer que les structures en plaques sont jusqu'à trois fois plus rigides que les structures en treillis, à poids et volume égaux" (voir aussi l'encadré). Et outre la rigidité (résistance à la déformation élastique), la résistance (résistance à la déformation irréversible) de ces structures est également très proche des valeurs maximales théoriques.

Les scientifiques de l'ETH ont d'abord développé les structures sur ordinateur en calculant leurs propriétés. Ils les ont ensuite fabriquées en plastique par impression 3D à l'échelle micrométrique. Mohr souligne toutefois que les avantages de ce mode de construction sont universels : ils s'appliquent à tous les matériaux et à toutes les échelles, du nanomètre au très grand.

Structure en plaques, structure en treillis
Exemples de structure de plaque (à gauche) et de structure de grille (à droite) obtenues par fabrication additive à partir d'un polymère. Le cube de gauche est constitué de plaques de 2 micromètres d'épaisseur. Dimensions extérieures des deux cubes : 0,2 millimètre d'arête. (Source : Tancogne-Dejean T et al. Advanced Materials 2018)

En avance sur son temps

Avec ces nouvelles structures, Mohr et son équipe sont en avance sur leur temps : la fabrication par impression 3D est actuellement encore relativement co?teuse. "Si l'on fabrique aujourd'hui de telles structures par fabrication additive à partir d'acier inoxydable, elles co?tent autant que l'argent par gramme", explique Mohr. "Mais dès que les technologies de fabrication additive seront prêtes pour la production de masse, la percée aura lieu. La construction légère, qui n'est utilisée aujourd'hui pratiquement que dans la construction aéronautique et l'aérospatiale pour des raisons de co?ts, pourrait alors être utilisée pour un large éventail d'applications dans lesquelles le poids joue un r?le". En outre, les nombreuses cavités ne rendent pas seulement une structure plus légère, elles permettent également d'économiser des matières premières et donc des co?ts de matières premières.

Les applications possibles sont quasiment illimitées, affirme Mohr. Les implants médicaux, les bo?tiers d'ordinateurs portables et les structures de véhicules ultralégers ne sont que trois des nombreux exemples possibles. "Lorsque le temps sera venu et que les matériaux de construction légère seront un jour fabriqués à grande échelle, on utilisera pour cela ces structures de plaques périodiques", est convaincu le professeur de l'ETH.

Pourquoi les structures en plaques sont-elles plus stables que les structures en treillis ?

Schéma

Lorsqu'il s'agit de résister à des charges provenant des trois dimensions (du haut, du bas, de la gauche, de la droite, de l'arrière et de l'avant), les structures en plaques ont un avantage sur les structures en treillis. L'expérience de pensée suivante permet de comprendre cela : Imaginez deux cubes avec des parois extérieures très minces. A l'intérieur, il y a des entretoises qui doivent empêcher que les cubes soient comprimés en cas de pression de l'extérieur. L'un des cubes utilise des barres de treillis comme entretoises, l'autre des plaques (voir illustration). Le volume de matériau, et donc le poids des entretoises, est identique dans les deux cas.

Si une force est exercée par le haut sur le "cube en treillis" (au milieu), l'une des trois barres du treillis (jaune) absorbe cette force. Les deux autres états-majors (bleu) ne contribuent pas à la stabilité. Ils sont toutefois nécessaires au cas où la force viendrait d'une autre direction. En revanche, si une force est exercée par le haut sur le "cube de plaques" (à droite), deux plaques sur trois contribuent à la stabilité (les jaunes). Cette forme utilise nettement mieux les entretoises intérieures, elle est plus efficace.

Référence bibliographique

Tancogne-Dejean T, Diamantopoulou M, Gorji MB, Bonatti C, Mohr D : Plate-Lattices 3D : An Emerging Class of Low-Density Metamaterial Exhibiting Optimal Isotropic Stiffness. Advanced Materials 2018, 30 : 1803334, doi : page externe10.1002/adma.201803334page externe

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