Des ondes millimétriques pour le dernier kilomètre

Des chercheurs de l'ETH ont développé un modulateur qui permet de convertir directement les données transmises par ondes millimétriques en impulsions lumineuses pour les fibres optiques. Cela pourrait permettre de franchir le "dernier kilomètre" jusqu'à la connexion Internet à domicile beaucoup plus rapidement et à moindre co?t.

Image symbolique
Le dernier kilomètre jusqu'à la connexion Internet à domicile est aussi le plus co?teux. Un modulateur récemment mis au point offre une alternative : il permet de convertir directement les données transmises par ondes millimétriques (flèches rouges) en impulsions optiques pour la fibre optique (jaune). (Graphique : Salamin Y et al. Nature Photonics 2018)

En raison de leur fréquence d'oscillation élevée, les ondes lumineuses se prêtent parfaitement à la transmission rapide de données. Envoyées à travers des fibres optiques, elles peuvent transporter sans problème des centaines de milliards de bits (gigabits) par seconde. Le "dernier kilomètre" entre une fibre optique centrale et la connexion Internet à domicile est le plus complexe et le plus co?teux. Les alternatives telles que la téléphonie mobile 4/5G sont moins chères, mais ne peuvent pas offrir à tous les utilisateurs les débits extrêmement élevés requis aujourd'hui par les applications gourmandes en données telles que la télévision en streaming.

Jürg Leuthold, professeur à l'Institut des champs électromagnétiques de l'ETH Zurich, et ses collaborateurs ont mis au point, avec l'aide de collègues de l'Université de Washington à Seattle, un modulateur de lumière d'un nouveau genre qui permettra d'assurer le dernier kilomètre à l'avenir.Il sera possible à l'avenir de couvrir les distances à moindre co?t et en économisant de l'énergie avec des micro-ondes à haute fréquence - appelées ondes millimétriques - et donc avec des taux de transmission élevés.

Un modulateur de lumière sans électronique

Pour convertir des données codées en ondes millimétriques en impulsions lumineuses destinées à être transmises dans une fibre optique, on a normalement besoin de composants électroniques très rapides - et donc très chers. Les ondes millimétriques doivent d'abord être re?ues par une antenne, puis amplifiées et enfin alimentées dans un modulateur de lumière qui traduit à nouveau les données contenues dans les ondes millimétriques en impulsions lumineuses.

Leuthold et ses collègues sont désormais parvenus à construire un modulateur de lumière qui fonctionne entièrement sans électronique ni piles. "Notre modulateur est ainsi totalement indépendant d'une alimentation électrique externe et est en outre extrêmement petit, de sorte qu'on peut en principe l'installer sur n'importe quel lampadaire. De là, il peut recevoir des données de différentes maisons via des signaux à ondes millimétriques et les injecter directement dans la fibre optique centrale", explique Yannick Salamin, qui a largement contribué au développement du nouveau modulateur en tant que doctorant.

Modulation par plasmons

Le modulateur des chercheurs de l'ETH se compose d'une puce de moins d'un millimètre qui contient également l'antenne à ondes millimétriques. Cette antenne re?oit les ondes millimétriques et les transforme en une tension électrique. La tension tombe ensuite au centre de la puce sur une fine fente - le véritable c?ur du modulateur. On y trouve une fente de quelques micromètres de long et de moins de cent nanomètres de large, remplie d'un matériau particulièrement sensible aux champs électriques. C'est dans cette fente que le faisceau lumineux de la fibre optique est injecté. Cependant, contrairement à la fibre optique ou à l'air, la lumière ne s'y propage plus comme une onde électromagnétique, mais comme un plasmon. Les plasmons sont des êtres hybrides composés de champs électromagnétiques et d'oscillations de charges électriques à la surface d'un métal. Gr?ce à cette propriété, ils peuvent être confinés dans un espace beaucoup plus restreint que les ondes lumineuses.

Schéma
Dans le nouveau modulateur des chercheurs de l'ETH, des signaux d'ondes millimétriques (en bleu) sont re?us par une antenne et convertis en signaux optiques (en rouge) dans la minuscule fente au centre. L'appareil ne nécessite aucune alimentation électrique et mesure moins d'un millimètre. (Graphique : ETH Zurich / Jürg Leuthold)

Le matériau électriquement sensible ("non linéaire") dans la fente fait en sorte que même les plus petits champs électriques générés par l'antenne influencent fortement la propagation des plasmons. Cette influence sur la phase d'oscillation des ondes est maintenue lorsque les plasmons sont à nouveau convertis en ondes lumineuses à l'extrémité de la fente. De cette manière, les bits de données contenus dans les ondes millimétriques sont directement transmis aux ondes lumineuses, sans passer par l'électronique et sans apport d'énergie de l'extérieur. Lors d'une expérience en laboratoire avec des signaux d'ondes millimétriques de 60 gigahertz, les chercheurs ont déjà pu démontrer des taux de transmission de données allant jusqu'à 10 gigabits par seconde sur une distance de cinq mètres et 20 gigabits par seconde sur un mètre.

Peu co?teux et flexible d'utilisation

Outre son format minuscule et sa faible consommation d'énergie, le nouveau modulateur présente plusieurs autres avantages. "La transmission directe des ondes millimétriques aux ondes lumineuses rend notre modulateur particulièrement flexible en ce qui concerne les fréquences et le format exact du codage des données", souligne Leuthold. Ainsi, le modulateur est déjà compatible aussi bien avec la nouvelle technologie 5G qu'avec les futures normes industrielles qui prévoient des fréquences de 300 gigahertz et des taux de transmission pouvant atteindre 100 gigabits par seconde. De plus, il peut être fabriqué avec la technologie traditionnelle du silicium et donc relativement bon marché.

Enfin, Leuthold peut également rassurer les utilisateurs qui s'inquiètent du rayonnement électromagnétique. Contrairement aux ondes radio et aux micro-ondes d'un modem Wifi, qui se propagent uniformément dans l'espace, les ondes millimétriques peuvent en effet être fortement concentrées pour la transmission vers l'extérieur et se propagent ainsi dans un faisceau de seulement vingt centimètres de large entre l'antenne domestique et le lampadaire. La puissance d'émission peut ainsi être réduite par rapport à d'autres technologies sans fil. Cela élimine également les problèmes habituels des modems Wifi, dont les signaux peuvent se gêner mutuellement.

Référence bibliographique

Salamin Y et al. : Microwave plasmonic mixer in a transparent fibre-wireless link, Nature Photonics, 29 octobre 2018, doi : page externe10.1038/s41566-018-0281-6page externe

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