La parenté des ornements et des cristaux

Lors de la Biennale d'architecture de Venise, un groupe composé d'étudiants, d'un coloriste, d'un architecte et d'un physicien des surfaces de l'ETH étudie les symétries des ornements de la Basilica di San Marco. Une exposition est organisée à cet effet.

Vue agrandie : les symétries des ornements de la Basilica di San Marco (à gauche) s'expliquent par la cristallographie (à droite) : Les axes de rotation quadruples et doubles (représentés par des rhombes et des carrés) prédominent. (Image : André Bruyère / Mehmet Erbudek)
Les symétries des ornements de la Basilica di San Marco (à gauche) s'expliquent par la cristallographie (à droite) : Les axes de rotation quadruples et doubles (représentés par des rhombes et des carrés) prédominent. (Image : André Bruyère / Mehmet Erbudek)

Les ornements sont très répandus dans l'architecture, les arts décoratifs, le design, les textiles et l'art du livre. Ils structurent et décorent les b?timents, les murs et les papiers peints. Les ornements représentent des modèles qui se caractérisent par des motifs réguliers et répétitifs et dont la disposition présente de nombreux axes de réflexion et de symétrie.

Les symétries ornementales et les principes d'ordre présentent des similitudes étonnantes avec les modèles d'ordre de la physique des surfaces, tels qu'on les observe bien sur les cristaux par exemple. La structure atomique bidimensionnelle des surfaces cristallines est le domaine de travail de longue date de Mehmet Erbudak. Ce chercheur de l'ETH est physicien des surfaces et professeur titulaire à la retraite.

Lors de la 16e Biennale d'architecture, qui se tient à Venise jusqu'au 25 novembre 2018, il étudiera le 13 septembre les couleurs et les propriétés des ornements de sol de la Basilica di San Marco à Venise avec douze étudiants internationaux en architecture, l'architecte Gani Turun? et l'artiste J?rg Niederberger. Ils prépareront leurs résultats pour une exposition dans le pavillon turc.

Pour ce faire, le groupe appliquera aux ornements des méthodes relevant de la culture et des sciences naturelles. L'ouvrage classique "The Grammar of Ornament" de l'architecte et designer anglais Owen Jones (1809 - 1874) servira de base. Publié en 1856, ce livre contient des principes généraux sur l'agencement des formes et des couleurs dans l'architecture et les arts décoratifs. La caractérisation et la classification des ornements s'y font selon des critères culturels.

Comprendre les symétries

? la différence de cette méthode, Mehmet Erbudak utilise une méthode mathématique qui a fait ses preuves en cristallographie. Cette méthode permet de classer les motifs bidimensionnels et régulièrement répétés des ornements en fonction des propriétés de symétrie. La méthode d'Erbudak repose sur des précurseurs historiques : les deux mathématiciens George Pólya (1887-1985), professeur à l'ETH Zurich, et Andreas Speiser (1885-1970), professeur à l'Université de Zurich, ont introduit dans les années 1920 l'analyse des ornements par la théorie des groupes.

En 1924, Pólya a publié un article cristallographique précurseur intitulé "Sur l'analogie de la symétrie des cristaux dans le plan". En 1944, la doctorante de Speiser, Edith Müller, a appliqué sa théorie aux ornements mauresques. Sa thèse contenait une méthode permettant de classer mathématiquement les ornements de l'Alhambra de Grenade.

"Cette méthode permet d'associer aussi bien des structures cristallines bidimensionnelles que des ornements à un total de 17 groupes mathématiques", explique Erbudak. ? Venise, il s'agit d'appliquer pour la première fois cette méthode aux ornements en marbre de la Basilique de Saint-Marc. "Nous voulons étudier et interpréter les symétries ornementales de la basilique". Erbudak s'intéresse par exemple à la raison pour laquelle les symétries quadruples prédominent sur les ornements et non les symétries triples, alors que la Trinité est si centrale dans la théologie chrétienne.

JavaScript a été désactivé sur votre navigateur