La thermodynamique du calcul

Le traitement de l'information consomme beaucoup d'énergie. Des systèmes informatiques plus économes devraient rendre le calcul plus efficace. Mais l'efficacité de ces systèmes ne peut pas être augmentée à volonté, comme le montrent maintenant des physiciens de l'ETH.

Ordinateur Thermodynamique
Un élément de refroidissement intégré dans un ordinateur : la production de chaleur est désormais le facteur limitant dans le traitement de l'information. (Image : Colourbox)

Lorsque les machines à vapeur se sont répandues au 19e siècle, la question de savoir comment optimiser ces appareils s'est rapidement posée. La théorie physique issue de l'étude de ces machines, la thermodynamique, s'est révélée par la suite une approche extrêmement fructueuse. Elle reste aujourd'hui encore le concept central lorsqu'il s'agit d'optimiser la consommation d'énergie des machines thermiques.

La chaleur comme grandeur critique

A l'ère de l'information, les physiciens et les ingénieurs espèrent également obtenir des contributions utiles de cette théorie. Il appara?t en effet de plus en plus clairement que ce ne sont plus la fréquence d'horloge des processeurs et le nombre de puces utilisées qui sont les facteurs limitatifs de la performance des ordinateurs, mais la consommation d'énergie. "Aujourd'hui, la performance d'un centre de calcul dépend en premier lieu de la quantité de chaleur qui peut être dissipée", résume Renato Renner, professeur de physique théorique et directeur du groupe de recherche sur la théorie de l'information quantique.

La déclaration de Renner peut être illustrée par exemple par le boom du bitcoin : ce ne sont pas les capacités des ordinateurs en soi, mais la consommation d'énergie exorbitante qui entra?ne une grande production de chaleur et les co?ts qui y sont liés qui sont devenus le facteur décisif pour l'avenir de la cryptomonnaie. Dans d'autres domaines également, la soif d'énergie des ordinateurs est désormais un facteur de co?t notable.

Pour le traitement de l'information, la question de savoir comment effectuer les opérations de calcul le plus efficacement possible d'un point de vue thermodynamique se pose donc avec de plus en plus d'acuité - autrement dit : comment effectuer le plus d'opérations de calcul possible avec le moins d'énergie possible ? Comme pour les machines à vapeur, les réfrigérateurs et les turbines à gaz, il s'agit ici aussi d'un principe fondamental : l'efficacité peut-elle être augmentée à volonté ou existe-t-il une limite physique qui ne peut pas être dépassée pour des raisons de principe ?

Mise en relation de deux théories

Pour le professeur Renner de l'ETH, la réponse est claire : une telle limite existe bel et bien. Avec son doctorant Philippe Faist, qui travaille aujourd'hui comme postdoctorant à Caltech, il montre dans un travail qui para?t ces jours-ci dans la revue "Physical Review X" que l'efficacité du traitement de l'information ne peut pas être augmentée à volonté - et pas seulement dans les centres de calcul pour le calcul des prévisions météorologiques et le traitement des paiements entrants, mais aussi en biologie, par exemple pour la conversion d'images dans le cerveau ou la multiplication d'informations génétiques dans les cellules. Ce faisant, les deux physiciens montrent également quels sont les facteurs décisifs responsables de la limitation.

"Notre travail relie deux théories qui, à première vue, n'ont rien à voir l'une avec l'autre : la thermodynamique, qui décrit la transformation de la chaleur en travail mécanique, et la théorie de l'information, qui s'intéresse aux lois du traitement de l'information", explique Renner.

Le fait qu'il existe un lien entre les deux théories se laisse d'abord deviner par une curiosité formelle : Dans la théorie de l'information, il existe un terme mathématique qui ressemble formellement à la définition de l'entropie en thermodynamique. C'est la raison pour laquelle le terme d'entropie est également utilisé dans la théorie de l'information. Renner et Faist ont maintenant pu montrer que cette similitude formelle est apparemment plus profonde qu'on ne le pense à première vue.

Pas de limite fixe

Ce qui est remarquable, c'est que la limite de l'efficacité avec laquelle les informations peuvent être traitées n'est apparemment pas fixe, mais peut être influencée : Mieux on comprend un système, plus on peut par exemple adapter précisément le logiciel à la conception de la puce et plus les informations sont traitées efficacement. C'est exactement ce que l'on fait aujourd'hui avec le supercalculateur. "A l'avenir, les programmeurs devront également tenir compte de la thermodynamique du calcul", estime Renner. "L'essentiel n'est pas de minimiser le nombre d'opérations de calcul, mais d'utiliser des algorithmes qui consomment le moins d'énergie possible".

Les systèmes biologiques pourraient là aussi servir d'étalon pour les développeurs : "On sait, gr?ce à différentes études, que nos muscles fonctionnent très efficacement d'un point de vue thermodynamique", explique Renner. "Maintenant, il serait bien s?r intéressant de conna?tre les performances de notre cerveau en matière de traitement des signaux".

Le plus proche possible de l'optimum

Ce n'est pas un hasard si Renner, en tant que physicien quantique, se penche sur ces questions : avec la thermodynamique quantique, un nouveau champ de recherche a vu le jour ces dernières années, qui est notamment très pertinent pour la construction d'ordinateurs quantiques. "On sait que les qubits, avec lesquels les futurs ordinateurs quantiques calculeront, doivent fonctionner près de l'optimum thermodynamique pour retarder ce que l'on appelle la décohérence", rapporte Renner. "Ce phénomène est un problème majeur dans la construction des ordinateurs quantiques, car il empêche de maintenir les états de superposition de la mécanique quantique suffisamment longtemps pour qu'ils puissent être utilisés pour des opérations de calcul".

Référence bibliographique

Faist P, Renner R : Co?t du travail fondamental des processus quantiques. Physical Review X, 2018, doi : page externe10.1103/PhysRevX.8.021011

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