Les nuages dans la troisième dimension

Des infographistes de l'ETH ont analysé la formation des nuages et les flux d'air dans des simulations météorologiques à haute résolution et ont représenté pour cela une situation météorologique en trois dimensions. L'aviation et la météorologie pourraient à l'avenir profiter d'une telle méthode de visualisation.

Vue agrandie : Nuages et mouvements aériens au-dessus de l'Allemagne : les jets traversent même les plus hautes tours d'orage sans dévier de leur trajectoire. (tous les graphiques : de Rimensberger, et al 2017)
Nuages et mouvements aériens au-dessus de l'Allemagne : les jets traversent même les plus hautes tours d'orage sans dévier de leur trajectoire. (tous les graphiques : de Rimensberger, et al 2017)

Les visualisations jouent un r?le très important dans l'étude des données météorologiques telles que la température, la pression atmosphérique ou la teneur en eau de l'atmosphère. La représentation graphique de telles données est aussi relativement simple, car elles ont une référence spatiale claire et peuvent donc être facilement reportées sur des cartes géographiques.

Actuellement, les représentations bidimensionnelles sont d'usage en météorologie, tant dans la recherche que dans l'application aux prévisions météorologiques. En règle générale, ces visualisations simples suffisent. Cependant, certains processus, comme l'évolution verticale des nuages au fil du temps, ne peuvent être étudiés que difficilement en deux dimensions.

Visualiser les nuages en trois dimensions

Des infographistes du groupe de Markus Gross, professeur d'informatique à l'ETH, ont donc développé des approches permettant de visualiser en trois dimensions et en haute résolution l'évolution et la dynamique des nuages et des courants aériens en se basant sur des simulations météorologiques numériques.

Les chercheurs ont présenté leur travail lors de deux congrès internationaux spécialisés, où la nouvelle méthode de visualisation 3D a été bien accueillie par le public, explique Tobias Günther, Senior Scientist chez Gross. L'étudiant No?l Rimensberger, encadré par Günther, a développé les méthodes dans le cadre de son travail de bachelor, les a étendues et a calculé les visualisations sur ordinateur.

Les visualisations de Rimensberger se sont appuyées sur des données relatives au vent, aux nuages et à la pluie qui ont été librement mises à la disposition des scientifiques dans le cadre d'un concours international de visualisation, le IEEE Scientific Visualization Contest 2017. La simulation sous-jacente reproduit la situation météorologique du soir du 26 avril 2013 et a été réalisée dans le cadre d'un vaste projet de recherche en météorologie appelé HD(CP)?, auquel participent plus de 100 chercheurs de 19 institutions.

L'étudiant en informatique a combiné des algorithmes existants pour visualiser l'évolution des nuages et les flux d'air, en appliquant les méthodes actuelles du champ de recherche de la visualisation scientifique.

Explorer de nouvelles possibilités

Il s'agissait moins de créer des outils de prévision utilisables en météorologie que d'explorer les possibilités de "représenter la météo de manière relativement simple et compréhensible", comme il le souligne. La valeur pour la science réside dans le fait que les graphiques 3D rendent visible ce qui ne l'est pas sur les graphiques 2D, ce qui permet d'obtenir une vue d'ensemble.

Les visualisations de Rimensberger montrent ainsi comment les nuages se forment au-dessus de l'Allemagne et évoluent au fil du temps, sont portés en altitude par des courants ascendants et sont finalement transportés à plus de 10 kilomètres au-dessus du sol par les vents de la troposphère. Les zones de nuages qui ont une teneur identique en eau ou en glace sont représentées par des couleurs différentes.

L'étudiant en informatique a également analysé les courants aériens. Les lignes représentent les trajectoires des paquets d'air et leurs couleurs indiquent l'intensité de la rotation d'un paquet d'air autour de son propre axe. La longueur des lignes renseigne sur le chemin parcouru et visualise ainsi la vitesse du courant. Les nuages ascendants génèrent des turbulences qui provoquent des tourbillons plus importants ou modifient leur trajectoire. Ces deux phénomènes sont visibles sur les lignes de trajectoire calculées.

Rimensberger a en outre superposé aux simulations de l'évolution des nuages les trajectoires d'avions de ligne au décollage. "Je voulais savoir si et comment les zones orageuses influen?aient le trafic aérien", explique-t-il.

Les trajectoires des avions décollant de Francfort traversent toutefois les cellules orageuses simulées. Seul un avion décollant de Munich évite un peu une cellule pluvieuse au-dessus de Regensburg. Le chercheur en informatique en conclut que les orages n'étaient pas assez violents pour rendre nécessaire un déplacement du trafic aérien ou qu'il n'y avait pas assez de données de mesure.

La visualisation 3D permet de classifier davantage de nuages que les représentations 2D traditionnelles.
La visualisation 3D permet de classifier davantage de nuages que les représentations 2D traditionnelles.

Les nouvelles visualisations facilitent la classification des formations nuageuses, car elles rendent "visibles" des nuages que ni les satellites d'en haut ni un observateur au sol ne peuvent voir. Une comparaison avec la catégorisation 2D utilisée aujourd'hui a montré que les nouveaux algorithmes peuvent également reconna?tre des structures nuageuses superposées.

Révéler l'invisible

"La valeur scientifique de notre visualisation réside dans le fait que nous rendons visible quelque chose qui ne l'est pas avec les outils actuels", explique Rimensberger. Mais le temps n'est pas encore venu pour des simulations en temps réel. Même les graphiques complexes comme celui des flux d'air sur toute l'Allemagne n'ont pas encore trouvé le chemin de la pratique. "Les calculs sont actuellement trop longs. Nous essayons de les raccourcir avec des algorithmes améliorés", ajoute Günther. "Mais certaines visualisations ou la classification des nuages, par exemple, pourraient déjà être intégrées dans des outils existants".

Pour le contr?le aérien, la visualisation de régions de courants turbulents ou de régions à forte ascendance et de développement d'intempéries pourrait également présenter un intérêt.

Des projets ultérieurs sont prévus ou déjà en cours, comme celui d'une évaluation interactive de grands ensembles de données météorologiques. Les infographistes sont également en train de rendre plus visibles les structures importantes de ces données et d'accélérer les visualisations complexes des courants atmosphériques. Qui sait, peut-être que la grenouille météo de la télévision présentera un jour des cartes météo en 3D basées sur des algorithmes de l'ETH.

Visualisation des courants aériens au-dessus de l'Allemagne. Les courants horizontaux dans la tropopause (en bas, le graphique est à l'envers) sont perpendiculaires aux ascendances verticales dans la troposphère. Près du sol, l'air est turbulent en raison de la topographie. La couleur rouge désigne les barrières de transport qui apparaissent notamment en cas de forts courants ascendants. (Graphique : Tobias Günther, Computer Graphics Lab, ETH Zurich)
Visualisation des courants aériens au-dessus de l'Allemagne. Les courants horizontaux dans la tropopause (en bas, le graphique est à l'envers) sont perpendiculaires aux ascendances verticales dans la troposphère. Près du sol, l'air est turbulent en raison de la topographie. La couleur rouge désigne les barrières de transport qui apparaissent notamment en cas de forts courants ascendants. (Graphique : Tobias Günther, Computer Graphics Lab, ETH Zurich)

Référence bibliographique

Rimensberger N, Gross M, Günther T : Visualization of Clouds and Atmospheric Air Flows. IEEE Scientific Visualization (SciVis 2016), Phoenix, AZ, USA, Octobre 1-5, 2017. DOI : page externe10.3929/ethz-b-000237747

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