AlphaZero ne veut que jouer !

L'intelligence artificielle a été de temps en temps encensée et est tout aussi vite retombée dans l'oubli. Roger Wattenhofer explique pourquoi il pourrait bient?t en être autrement.

Wattenhofer

Au cours des 60 dernières années, les chercheurs en intelligence artificielle n'ont cessé d'oser des prédictions futuristes. On a par exemple annoncé qu'un ordinateur deviendrait champion du monde d'échecs. On s'y attendait jusqu'en 1968, cela s'est réalisé environ 30 ans plus tard. Il était encore plus optimiste de prédire que les ordinateurs seraient capables d'effectuer n'importe quel travail humain d'ici 1985 ; nous en sommes encore très loin aujourd'hui.

Des hauts et des bas dans l'histoire

La désillusion a souvent suivi, les programmes de recherche à grande échelle ont été mis au rancart, il s'en est suivi l'"page externeHiver de l'intelligence artificielle". Entre-temps, les chercheurs n'aimaient même plus parler d'intelligence artificielle, on devenait plus modeste et on étudiait plut?t l'apprentissage automatique (machine learning).

Le tournant du millénaire a ensuite connu quelques succès : Deep Blue d'IBM a vaincu Garry Kasparov aux échecs. Les critiques ont critiqué le fait que les échecs n'étaient de toute fa?on pas un vrai test d'intelligence, et ont répété ce qu'on appelle le "test d'intelligence". page externeChambres chinoises -argument de John Searle : Deep Blue ne comprend pas vraiment le jeu, il se contente de calculer très vite. Quelques années plus tard, une voiture de Stanford a réussi à naviguer de manière autonome. Mais là encore, elle n'a réussi que dans le désert. Et enfin, Watson d'IBM a gagné le jeu télévisé Jeopardy ! - mais était-ce vraiment intelligent ou simplement du googlage pour personnes avancées ?

Robot d'échecs
Les programmes apprennent aujourd'hui à jouer aux échecs en jouant quelques heures contre eux-mêmes. (Image : sabelskaya/colourbox)

Avoir trop souvent crié "au loup" ?

Je suppose que la recherche en intelligence artificielle et ses représentants ont trop souvent crié au loup. Avec pour résultat que désormais, les succès et les véritables percées ne sont plus vraiment pris au sérieux. Mais le loup est là, et il a un nom : page externeAlphaZero.

AlphaZero, un programme informatique de DeepMind, peut apprendre de manière autodidacte, par exemple aussi les échecs. Depuis Deep Blue, les programmes d'échecs n'ont cessé d'évoluer. Depuis de nombreuses années, les meilleurs programmes comme Stockfish ont atteint un tel niveau que les humains n'ont aucune chance contre eux.

"AlphaZero joue de manière très inhabituelle, pas comme un être humain, mais pas non plus comme un ordinateur typique".Roger Wattenhofer

Stockfish a beaucoup de théorie sur les échecs, il conna?t toutes les parties jamais jouées. AlphaZero ne connaissait que les règles des échecs, il a appris le jeu en jouant quelques heures contre lui-même. Au début, il a fait beaucoup d'erreurs de débutant, mais après quatre heures d'entra?nement autodidacte, AlphaZero a vaincu Stockfish. (Il existe cependant quelques page externeobjections légitimes concernant l'utilisation du matériel et les règles de compétition inéquitables).

Le jeu des professionnels va changer

A tous ceux qui s'y connaissent un peu en échecs, je conseille de consulter les page externedixième partie contre Stockfish à regarder. AlphaZero joue de manière très inhabituelle, pas comme un être humain, mais pas non plus comme un ordinateur typique, mais avec une "véritable" intelligence artificielle. Comme AlphaZero ne connaissait pas la théorie des échecs au départ, il a d? développer sa propre théorie. Le grand ma?tre Daniel King affirme qu'AlphaZero changera la théorie des échecs et le jeu des professionnels dès qu'il sera accessible au public.

AlphaZero est en quelque sorte plus "humain" que les ordinateurs normaux. Sa structure de réseau profond rappelle le cerveau humain, et il calcule plus lentement. Il évalue mille fois moins de positions par partie que Stockfish. Il serait intéressant de voir quel serait le résultat d'une partie entre un humain et AlphaZero si ce dernier était freiné à la "vitesse humaine". Et AlphaZero ne peut pas seulement jouer aux échecs. Il sait aussi jouer à d'autres jeux qu'il a appris lui-même.

En tout cas, je suis impressionné. La performance d'AlphaZero montre que nous devons prendre l'intelligence artificielle au sérieux. Elle prouve que nous sommes les témoins d'un énorme changement. Je suis convaincu qu'AlphaZero & Co. vont changer la société de manière durable.

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