Les futures pilules seront électroniques

Le monde numérique dans lequel nous vivons va se connecter au monde biologique, Martin Fussenegger en est convaincu. Sa vision : dans 50 ans, des pilules électroniques nous soigneront.

Martin Fussenegger

La médecine utilise depuis des siècles le même concept thérapeutique : si nous nous sentons mal, nous allons chez le médecin et celui-ci nous prescrit une pilule que nous devons prendre trois fois par jour. Le médecin détermine la dose de médicament en fonction de notre poids. Ce concept présente plusieurs inconvénients : Nous allons toujours chez le médecin alors que nous sommes déjà malades. Le dosage des médicaments est imprécis. Et avec de nombreuses thérapies, nous essayons certes de ma?triser les sympt?mes, mais souvent nous ne guérissons pas la maladie elle-même.

Implant bio-électronique

J'ose donc émettre une hypothèse : dans un avenir lointain, nous n'avalerons plus de pilules classiques, peu efficaces et ne permettant probablement pas de résoudre tous les problèmes de santé existants. Au contraire, dans 50 ans, les pilules seront électroniques. Elles consisteront en une capsule que nous pourrons nous faire implanter sous la peau. La capsule contient d'une part des cellules de conception qui surveillent notre métabolisme et peuvent prendre des mesures correctives via la production de protéines et de métabolites. D'autre part, la capsule contient un système électronique qui commande les cellules de conception et permet une connexion avec le monde extérieur. Les médecins pourront ajuster le fonctionnement de la pilule électronique via leur smartphone et intervenir si nécessaire.

Comprimé
Dans un avenir lointain, il existera une alternative électronique aux comprimés, affirme Martin Fussenegger. (Image symbolique : Colourbox)

De telles pilules électroniques associeront diagnostic et thérapie. La thérapie sera immédiatement mise en place et se fera à la bonne dose individuelle. On pourra ainsi étouffer dans l'?uf les maladies métaboliques.

Des prothèses moléculaires contr?lent le métabolisme

Les premiers succès de la recherche qui vont dans ce sens existent déjà. Dans notre groupe, nous étudions et développons depuis des années ce que l'on appelle des prothèses moléculaires. Les prothèses sont connues pour les problèmes mécaniques : Lorsque nous ne pouvons plus marcher, lorsque nous perdons une dent ou des cheveux, nous nous aidons de prothèses pour remplacer ce qui nous manque. Il est également possible de développer des prothèses pour les processus biochimiques qui ne fonctionnent pas correctement. Il s'agirait alors de cellules reprogrammées qui assumeraient dans le corps la fonction des cellules défectueuses.

Ces cellules de designer pourraient un jour produire suffisamment d'insuline pour les diabétiques, réguler le métabolisme des graisses d'autres personnes de manière à ce qu'elles ne deviennent pas obèses, ou encore empêcher la croissance de cellules tumorales à un stade précoce. Les cellules reconna?traient les maladies et déclencheraient immédiatement une thérapie via la production de produits métaboliques. Une fois la thérapie terminée, les cellules se remettraient en mode veille.

En comparaison, il est déjà possible d'utiliser un type de thérapie cellulaire encore simple : En ao?t, Novartis a obtenu l'admission aux ?tats-Unis d'une nouvelle forme de traitement de la leucémie pour laquelle des cellules spécifiques au patient sont génétiquement modifiées. Ces cellules modifiées détectent les cellules tumorales dans le sang et les détruisent. Les cellules génétiquement modifiées de Novartis n'ont pas encore la complexité d'une prothèse moléculaire telle que nous l'envisageons, ni le contr?le par rétroaction. Néanmoins, reprogrammer génétiquement une cellule pour obtenir une fonction thérapeutique est un pas énorme.

Biologie et électronique communiquent

Dans le domaine de l'électronique, les progrès sont encore plus rapides et, aujourd'hui déjà, notre corps est connecté au monde numérique. Nous sponsorisons des capteurs de mouvement qui enregistrent notre sommeil, comptent nos pas et calculent les calories dépensées. Il existe en outre des projets de recherche dans le cadre desquels le taux de glycémie et d'autres paramètres de santé sont déterminés dans le liquide lacrymal et la sueur corporelle. Enfin, il existe pour les diabétiques des pompes à insuline à commande électronique et des stimulateurs cardiaques qui peuvent être ajustés de l'extérieur du corps.

Dans les décennies à venir, il sera possible d'associer ces développements à ceux réalisés au niveau moléculaire, et le monde biologique communiquera dans les deux sens avec le monde électronique.

Développement d'une interface

Pour cela, il faut une interface qui permette aux deux mondes d'échanger des informations. On pourrait par exemple mettre en place une telle interface en optogénétique. L'optogénétique est la science qui permet de contr?ler les gènes avec la lumière et d'influencer ainsi le comportement des cellules. Il y a trois ans, nous avons par exemple montré, dans le cadre d'une étude de faisabilité, que nous pouvions utiliser nos pensées pour commander sans fil la fabrication d'une protéine chez la souris. Pour ce faire, nous avons enregistré les pensées humaines via un électroencéphalogramme (EEG) et transmis électroniquement l'entrée des pensées à un implant optogénétique que nous avons implanté chez des souris.1

Un ancien doctorant de mon groupe, qui travaille désormais à Shanghai, vient de franchir une étape supplémentaire. Il a réussi à combiner l'optogénétique avec l'électronique des smartphones.2 Il est ainsi possible d'appeler avec un smartphone, de n'importe où dans le monde, un implant d'une souris à Shanghai, de contr?ler l'activité des gènes chez cette souris et de faire ainsi baisser le taux de glycémie.

La pilule électronique globalement efficace et utilisable n'est encore qu'une vision. Gr?ce à notre travail de recherche, nous et d'autres scientifiques travaillons toutefois à petits pas vers cet objectif.

Références

1 Contr?ler les gènes par la pensée (Actualités ETH 11.11.2014)

2 Jiawei Shao et al : Les cellules optogénétiques contr?lées par smartphone permettent l'homéostasie semi-automatique du glucose chez les souris diabétiques. Science Translational Medicine 2017. 9 : eaal2298, doi : page externe10.1126/scitranslmed.aal2298

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