Ce que l'agriculture biologique peut apporter

Usure des sols, surfertilisation, pesticides - la production de l'agriculture intensive est hostile à la vie. L'agriculture biologique est souvent citée comme solution. Mais le bio peut-il vraiment nourrir le monde - et serait-il un système alimentaire globalement durable ?

Vue agrandie : Agriculture
L'agriculture biologique pour 10 milliards de personnes ? Pas sans mesures d'accompagnement. (Image : iStock / valio84sl)

La t?che exige : Nourrir 10 milliards de personnes en 2050 avec le moins de dommages possibles pour l'environnement. Reste à savoir ce que signifie exactement "nourrir le monde". Aujourd'hui, cela signifie une moyenne mondiale de 2850 kilocalories produites par personne et par jour [1], avec une forte proportion de protéines animales - et un taux de déchets d'environ 30 pour cent. Les prévisions pour 2050 tablent même sur 3070 kilocalories par personne et par jour. Les effets négatifs sur l'environnement augmentent de manière drastique.

Est-ce que cela a du sens ?

Non. Ces quantités sont si absurdement élevées qu'il y a une énorme marge d'amélioration. Et elles le montrent : Il n'y a définitivement pas trop peu à manger. Nous avons des problèmes de distribution, mais nous ne nous y attarderons pas ici.

Imaginons plut?t que nous ne produisions pas ce tiers pour la poubelle et que nous n'utilisions pas 40 pour cent des terres arables mondiales pour la production d'aliments pour animaux, juste pour satisfaire notre forte consommation de viande. Quelles capacités et quelles ressources cela libérerait !

C'est précisément ce potentiel inexploité que nous devons utiliser si nous voulons nourrir l'humanité de manière durable en 2050. Et c'est là aussi la clé si l'agriculture biologique doit contribuer à un système alimentaire viable à long terme. Mais qu'est-ce que je veux dire par là ?

Des conflits d'objectifs inévitables

Dans une étude qui vient d'être publiée dans Nature Communications [2] sous la direction de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL [3], nous avons examiné différents scénarios pour les futurs systèmes alimentaires. Si ces derniers doivent être durables, il est impossible d'éviter les conflits d'objectifs. Par exemple : l'agriculture biologique réduit les excédents d'azote, préserve les sols et est moins écotoxique, mais donne des rendements plus faibles.

Ou : une production animale basée sur les herbages n'est pas en concurrence avec les terres arables destinées à l'alimentation humaine directe, mais émet plus de gaz à effet de serre par kilogramme de viande que si les animaux mangeaient des aliments concentrés. Comment gérer cela ?

Vue agrandie : L'agriculture biologique améliore la qualité des sols
L'agriculture biologique améliore la qualité des sols : Sols sous exploitation conventionnelle (à gauche) et biologique (à droite) après de fortes pluies dans la comparaison des systèmes DOK à long terme. (Photos : Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL)

Nos calculs de modélisation pour 2050 montrent que : Si nous passions à l'agriculture biologique à l'échelle mondiale tout en conservant le même comportement de consommation - c'est-à-dire avec une forte proportion de produits animaux et de grandes quantités de déchets -, les excédents d'azote et les produits phytosanitaires de synthèse diminueraient certes fortement, et les émissions de gaz à effet de serre seraient également un peu plus faibles. Mais nous aurions besoin de beaucoup plus de terres arables - ce n'est donc pas une option écologiquement viable.

Trois stratégies, combinées intelligemment

Cette image change si l'on agit sur les leviers : nourrissons donc les animaux avec moins d'aliments concentrés et davantage avec des prairies, mangeons nous-mêmes moins de viande et réduisons les quantités de déchets. Nous n'aurons alors pas besoin de produire autant de nourriture. Un exemple : avec 50 % d'aliments concentrés en moins, 50 % de déchets en moins et 100 % d'agriculture biologique, la consommation de terres n'augmenterait guère et les effets négatifs sur l'environnement diminueraient encore fortement.

Globalement, notre étude montre clairement que l'agriculture biologique - appliquée dans le monde entier - peut nourrir l'humanité de manière durable à l'avenir, à condition de renoncer aux aliments concentrés d'origine animale, de manger moins de viande et d'éviter le gaspillage alimentaire.

Le système global en ligne de mire

Ma conclusion : lorsqu'on s'interroge sur la durabilité de l'agriculture, il faut considérer l'ensemble du système alimentaire et pas seulement certains aspects comme la production. Ce n'est qu'en adoptant une perspective globale que l'on peut désamorcer les inévitables conflits d'objectifs. Pour apaiser durablement la faim planétaire, il ne faut pas de solutions radicales, mais une combinaison intelligente d'efficacité, d'utilisation judicieuse des ressources (souvent appelée cohérence) et de frugalité (suffisance). L'agriculture biologique pourra alors jouer un r?le central dans un système alimentaire viable à l'avenir.

Informations complémentaires

[1] Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : Alexandratos, N. & Bruinsma, J. World Agriculture Towards 2030/2050. The 2012 Revision. (FAO, Rome, 2012). page externeLien

[2] Muller, A., Schader, C., El-Hage Scialabba, N., Hecht, J., Isensee, A., Erb, K.-H., Smith, P., Klocke, K., Leiber, F., Stolze, M. and Niggli, U., 2017, Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture, Nature Communications 8:1290 | DOI : 10.1038/s41467-017-01410-w page externeLien

[3] FiBL : page externeCommuniqué de presse et page externeVidéo

Vers l'auteur

Adrian Müller

Adrian Müller

Senior Scientist à l'Institut pour les décisions environnementales, ETH Zurich, et à l'Institut de recherche de l'agriculture biologique, FiBL.

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