L'impulsion laser la plus courte du monde

Des chercheurs de l'ETH ont réussi à réduire la durée d'impulsion d'un laser à rayons X en laboratoire à seulement 43 attosecondes. Avec cette résolution temporelle de l'ordre de quelques trillionièmes de seconde, il est désormais possible pour la première fois d'observer au ralenti le mouvement des électrons pendant des réactions chimiques.

Vue agrandie : Thomas Gaumnitz, post-doctorant dans le groupe du professeur de l'ETH Hans Jakob W?rner, avec l'appareillage qui produit les impulsions laser les plus courtes du monde. (Image : ETH Zurich)
Thomas Gaumnitz, post-doctorant dans le groupe du professeur de l'ETH Hans Jakob W?rner, avec l'appareil qui produit les impulsions laser les plus courtes du monde. (Image : ETH Zurich)

Pour comprendre pleinement la dynamique au cours d'une réaction chimique, les scientifiques doivent être en mesure d'étudier tous les mouvements des atomes et des molécules à leurs échelles de temps fondamentales. Les molécules tournent à l'échelle de la picoseconde (10-12s), leurs atomes vibrent à l'échelle de la femtoseconde (10-15s) et les électrons se déplacent à l'échelle de l'attoseconde (10-18s).

Hans Jakob W?rner, professeur de chimie physique à l'ETH Zurich, et son groupe sont désormais parvenus à générer l'impulsion laser la plus courte au monde à ce jour, d'une durée de 43 attosecondes seulement. En termes généraux, cette impulsion laser est même l'événement contr?lé le plus court jamais créé par l'homme. Les chercheurs peuvent ainsi observer comment les électrons se déplacent au sein d'une molécule ou comment les liaisons chimiques se forment en détail.

Décomposer progressivement les états de transition

En partant d'un laser infrarouge, les chercheurs génèrent une impulsion laser à rayons X douce avec une large bande passante. Cela permet d'observer directement différents éléments chimiques comme le phosphore et le soufre en excitant les électrons de leurs coquilles internes. Ces deux éléments sont présents dans les biomolécules, ce qui permet désormais de les observer avec une résolution temporelle sans précédent.

Mais quel est l'avantage de pouvoir désormais observer les étapes des réactions avec une résolution aussi élevée ? "Plus un transfert de charge peut avoir lieu rapidement, plus une réaction peut se dérouler efficacement", explique Hans Jakob W?rner. L'?il est par exemple très efficace pour convertir les particules de lumière, appelées photons, en signaux nerveux. Dans la protéine rhodopsine, un pigment visuel de la rétine, la molécule rétinienne sensible à la lumière est disposée de telle sorte que sa structure peut se modifier extrêmement rapidement par l'absorption d'un seul photon, ce qui permet à son tour de voir, même dans la pénombre. Une réaction nettement plus lente rendrait la vision impossible, car l'énergie du photon serait déjà transformée en chaleur après quelques picosecondes.

La spectroscopie attoseconde, qui permet de suivre les déplacements de charge en temps réel, pourrait également contribuer au développement de cellules solaires d'un nouveau type et d'une très grande efficacité, en suivant pas à pas le processus d'excitation par la lumière solaire jusqu'à la production d'électricité. Cela pourrait aider à optimiser la structure moléculaire des éléments photosensibles dans les cellules solaires de manière à permettre un transfert de charge plus rapide et donc plus efficace.

Intervention optique dans les réactions en cours

La spectroscopie laser attoseconde ne se prête toutefois pas uniquement à la simple observation. Les impulsions laser ultracourtes permettent également d'influencer directement les réactions chimiques. Il serait ainsi possible de modifier le déroulement d'une réaction, voire de rompre des liaisons chimiques, en stoppant le déplacement de la charge à un endroit précis de la molécule par une impulsion laser. De telles interventions ciblées dans les réactions chimiques n'étaient pas possibles jusqu'à présent, car l'échelle de temps du mouvement des électrons dans les molécules était jusqu'à présent inaccessible.

Le groupe de W?rner travaille déjà sur la prochaine génération d'impulsions laser encore plus courtes. Elles permettent de prendre des clichés encore plus détaillés et, gr?ce à un spectre de rayons X plus large, d'exciter davantage d'éléments qu'auparavant. Il sera bient?t possible de suivre la migration des électrons dans des molécules plus complexes avec une résolution temporelle plus élevée.

Référence bibliographique

Gaumnitz T, Jain A, Pertot Y, Huppert M, Jordan I, Ardana-Lamas F, W?rner HJ. Streaking of 43-attosecond soft-X-ray pulses generated by a passively CEP-stable mid-infrared driver. Optics Express, Vol. 25, Issue 22 (2017) page externedoi : 10.1364/OE.25.027506

JavaScript a été désactivé sur votre navigateur.