?criture magnétique rapide de données

Jusqu'à présent, les mémoires de données magnétiques étaient considérées comme trop lentes pour la fabrication de mémoires de travail informatiques. Des chercheurs de l'ETH ont désormais étudié un procédé qui permet d'écrire des données magnétiquement beaucoup plus rapidement et en économisant de l'énergie.

IBM RAMAC
IBM a introduit le premier disque dur magnétique, le RAMAC, en 1956. Des chercheurs de l'ETH ont maintenant testé un nouveau procédé d'écriture magnétique qui pourrait bient?t être utilisé dans les mémoires vives des ordinateurs modernes. (Image : IBM)

Depuis près de soixante-dix ans, les bandes magnétiques et les disques durs sont utilisés dans les ordinateurs pour stocker des données. Malgré les nombreuses nouvelles technologies qui ont été développées entre-temps, la magnétisation contr?lée d'un support de données reste le moyen de choix pour l'archivage d'informations en raison de sa résistance à long terme et de son faible co?t. En revanche, la technologie magnétique était jusqu'à présent considérée comme inadaptée à la réalisation d'une mémoire vive (RAM), telle que les ordinateurs l'utilisent comme mémoire de travail pour le traitement des données. Cela s'explique principalement par sa faible vitesse d'écriture et sa consommation d'énergie relativement élevée.

Pietro Gambardella, professeur au département Science des matériaux de l'ETH Zurich, et ses collaborateurs viennent de démontrer, en collaboration avec des collègues du département Physique ainsi que de l'Institut Paul Scherrer (PSI) à Villigen, que le stockage magnétique peut malgré tout se faire à la vitesse de l'éclair et en économisant de l'énergie gr?ce à un nouveau procédé.

Inversion de la magnétisation sans bobines

Dans les technologies traditionnelles de stockage magnétique, on utilise des supports de données en bande ou en disque recouverts d'un alliage de cobalt. Un champ magnétique est généré au moyen d'une bobine parcourue par un courant qui modifie le sens de magnétisation dans une petite zone du support de données. Ce processus est très lent par rapport à la vitesse des processeurs modernes, et la résistance électrique des bobines entra?ne des pertes d'énergie. Il serait donc bien préférable de changer le sens de la magnétisation sans passer par une bobine magnétique.

En 2011, Gambardella et ses collègues avaient déjà démontré un procédé qui permettait exactement cela : le courant électrique qui traversait un film semi-conducteur spécialement revêtu inversait la magnétisation dans un minuscule point métallique. Cela est rendu possible par un effet physique appelé couple spin-train. Le passage d'un courant électrique dans un conducteur entra?ne une accumulation d'électrons ayant des moments magnétiques opposés (spin) aux deux extrémités du conducteur. Les spins des électrons créent à leur tour un champ magnétique qui conduit à l'orientation des moments magnétiques des atomes d'un matériau magnétique situé à proximité immédiate. Dans un nouveau travail, les scientifiques ont maintenant examiné comment ce processus fonctionne en détail et à quelle vitesse. Les résultats ont été publiés récemment dans la revue spécialisée Nature Nanotechnology.

Résolution spatiale avec les rayons X

Dans leur expérience, les chercheurs ont inversé la magnétisation d'un point de cobalt de seulement 500 nanomètres de diamètre à l'aide d'impulsions de courant électrique qui ont traversé un fil de platine voisin. Pendant ce temps, ils ont exposé le point de cobalt à des rayons X fortement concentrés, produits à la Source de Lumière Synchrotron Suisse du PSI, qui ont progressivement balayé le point avec une résolution spatiale de 25 nanomètres. L'intensité avec laquelle le point absorbait les rayons X à un endroit donné dépendait de la direction dans laquelle le métal était magnétisé à cet endroit.

"Nous avons ainsi obtenu une image bidimensionnelle de la magnétisation du point de cobalt et avons pu observer comment l'impulsion électrique la modifiait progressivement", explique Manuel Baumgartner, premier auteur de l'étude et doctorant dans le groupe de recherche de Gambardella.

Les chercheurs ont ainsi pu constater que l'inversion de la magnétisation s'est produite en moins d'une nanoseconde, soit bien plus rapidement que dans d'autres procédés récemment étudiés. "De plus, les paramètres de l'expérience nous permettent de prédire quand et où l'inversion de la magnétisation commencera et où elle se terminera", ajoute Gambardella. Dans d'autres procédés, l'inversion est certes également alimentée par un courant électrique, mais elle est déclenchée par des rotations thermiques dans le matériau, ce qui soumet le moment de l'inversion à de fortes variations.

Applications possibles en RAM

Les chercheurs ont envoyé jusqu'à un billion d'impulsions d'inversion à travers le point de cobalt à une fréquence de 20 mégahertz, sans que la qualité de l'inversion de la magnétisation n'en souffre. "Cela nous laisse espérer que notre technologie peut être utilisée pour des applications dans la RAM magnétique", déclare l'ancien post-doctorant de Gambardella, Kevin Garello, également premier auteur de l'étude. Garello travaille désormais à la mise en ?uvre commerciale du procédé au centre de recherche Imec de Louvain, en Belgique.

Comme premier pas dans cette direction, les chercheurs veulent optimiser leurs matériaux de manière à ce que l'inversion fonctionne encore plus rapidement et avec des intensités de courant plus faibles. L'un des moyens d'y parvenir est d'améliorer la forme des points de cobalt. Pour l'instant, ceux-ci sont ronds, mais d'autres formes comme des ellipses ou des losanges pourraient rendre l'inversion de la magnétisation encore plus efficace, selon les scientifiques. Avec la RAM magnétique, il ne serait notamment plus nécessaire de charger le système d'exploitation au démarrage d'un ordinateur - les programmes correspondants seraient alors conservés dans la mémoire vive même sans alimentation électrique.

Référence bibliographique

Baumgartner M et al. : Spatially and time-resolved magnetization dynamics driven by spin-orbit torques, Nature Nanotechnology, 21 ao?t 2017, doi : page externe10.1038/nnano.2017.151

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