Mesure de force cellulaire

Les cellules biologiques peuvent se dilater et se contracter et interagir avec les cellules voisines. Gr?ce à une méthode de microscopie améliorée, les chercheurs de l'ETH peuvent déterminer plus facilement et plus précisément où et quelles forces agissent dans ce cas. Cette technique est par exemple utilisée dans la recherche sur le cancer.

Vue agrandie : Microscopie à force de traction
Image de microscopie d'un réseau de fluorescence rouge et d'une cellule dont l'interaction avec le support est visible en vert sur ses bords (en haut à gauche). A droite et en bas, la même image est représentée dans d'autres couleurs. (Image : ETH Zurich / Martin Bergert)

Une équipe multidisciplinaire de scientifiques de l'ETH Zurich a mis au point une nouvelle technique de microscopie. Elle permet aux chercheurs de mesurer de manière très détaillée les forces exercées par les cellules biologiques lorsqu'elles grandissent, changent de forme ou se déplacent. La nouvelle méthode est un développement de la microscopie à force de traction (TFM). Les chercheurs peuvent ainsi mesurer ces forces cellulaires plus facilement et avec une plus grande résolution qu'avec les méthodes existantes.

Support élastique

"Les versions les plus courantes aujourd'hui de la microscopie à force de traction utilisent un support élastiquement déformable et des points de référence microscopiques fluorescents encastrés dans ce support", explique Dimos Poulikakos, professeur de thermodynamique et responsable du projet de recherche. Les scientifiques peuvent faire cro?tre des cellules sur ces supports dans le cadre d'une expérience en laboratoire. Lorsque celles-ci se déforment, par exemple après l'administration d'un neurotransmetteur, le support se déforme également, de sorte que les points de référence se déplacent.

Dans cet état, les scientifiques photographient une première fois les cellules et le tapis de points de référence au microscope. Enfin, ils retirent les cellules, après quoi le support reprend sa forme initiale. Les chercheurs photographient ensuite une deuxième fois le tapis élastique. En comparant les motifs de points sur les deux photos, ils peuvent déterminer, à l'aide d'un ordinateur, de quelle distance chaque point de la cellule a pu déplacer le support élastique. Comme les propriétés physiques du support sont également connues, il est possible de déterminer les forces qui y agissent.

Modèle régulier

Schéma
Un motif régulier de points quantiques est imprimé sur un support élastique en silicone. Les cellules peuvent déplacer le support et les points. La microscopie se fait par en dessous. (Graphique : Bergert et al. Nature Communications 2016, édité)

Jusqu'à présent, dans les modèles TFM, les points de référence fluorescents étaient insérés au hasard dans le matériau de base. Les chercheurs de l'équipe de Poulikakos ont réussi pour la première fois à disposer ces points de manière ciblée en un motif de grille régulier sur un support en silicone. Ils ont utilisé pour cela Nanodrip, une technique de nano-impression 3D développée il y a quelques années dans le laboratoire du professeur Poulikakos de l'ETH.

La disposition régulière et clairement définie des points d'orientation présente des avantages. "Nous n'avons plus besoin d'enlever des cellules et de comparer une image avant et une image après. Au lieu de cela, nous pouvons déterminer les forces avec une seule image de microscopie", explique Aldo Ferrari, ma?tre-assistant dans le groupe de Poulikako. Ainsi, les scientifiques peuvent désormais observer les cellules sur une longue période et mesurer par exemple plusieurs fois à différents moments comment les messagers influencent les forces d'une cellule.

Collaboration de plusieurs groupes de recherche

Ce perfectionnement technique a été possible gr?ce à l'étroite collaboration de nombreux chercheurs de l'ETH : le laboratoire du professeur Edoardo Mazza de l'ETH a ainsi déterminé les propriétés physiques du support en silicone et développé des modèles numériques qui permettent de calculer avec précision les forces à l'origine de la déformation du support. Olga Sorkine-Hornung, professeure à l'ETH, et Daniele Panozzo, professeur à la New York University, ont contribué au calcul assisté par ordinateur du déplacement effectif des points à partir des images de microscopie.

En outre, les scientifiques ont utilisé comme colorants fluorescents pour la grille d'orientation des points quantiques (en anglais quantum dots) de couleur bleue, verte ou rouge, ceci en collaboration avec le groupe du professeur de l'ETH et expert en points quantiques David Norris. Les points quantiques sont des nanostructures de matériaux semi-conducteurs à la géométrie sur mesure.

Plus précis et en 3D

La nouvelle méthode présente d'autres avantages : elle est plus précise que les méthodes précédentes. Il est également possible, pour la première fois, de combiner la microscopie à force de traction (et donc les mesures de force cellulaire) avec l'immunohistochimie. Cette dernière est une méthode de biologie cellulaire répandue qui permet de visualiser certains composants cellulaires à l'aide d'anticorps fluorescents. "Nous pouvons ainsi indiquer simultanément dans une image de microscopie la présence d'une certaine protéine et les forces qui agissent, tout en identifiant des corrélations", explique Ferrari. "Cela permet de réaliser un nouveau type d'expériences de biologie cellulaire".

Enfin, gr?ce à ce perfectionnement, il est également possible pour la première fois de déterminer les forces dans les cellules non seulement en deux dimensions, mais aussi en trois dimensions. "Nous utilisons la microscopie confocale. Cela nous permet de prendre plusieurs images du support en silicone et de la cellule, couche par couche, et de les assembler en une image 3D à l'aide d'un ordinateur", explique Ferrari.

Application dans la recherche sur le cancer

"Le nouveau système est facile à utiliser et prêt pour les applications", ajoute Poulikakos. Le logiciel développé est open source : Les chercheurs de l'ETH le mettent gratuitement à la disposition de leurs collègues. Les scientifiques intéressés doivent toutefois être en mesure d'utiliser la technologie de nano-impression dans leur laboratoire pour produire des supports en silicone à points quantiques.

Le nouveau système peut être utilisé dans la recherche en biologie cellulaire et biomédicale, par exemple pour l'étude des mouvements des cellules ou pour mesurer les interactions entre les cellules et les implants. Le groupe de Poulikakos collabore par exemple avec des chercheurs en cancérologie du Politecnico di Milano. Ils étudient dans un type de carcinome comment l'activité de certains gènes et la mobilité des cellules dans les tissus, ainsi que les forces en jeu, sont liées.

Référence bibliographique

Bergert M et al : Confocal reference free traction force microscopy, Nature Communications 2016, doi : page externe10.1038/ncomms12814

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