Rendre une maladie musculaire visible

Des chercheurs de l'ETH Zurich ont développé une nouvelle substance de marquage pour la tomographie par émission de positrons (TEP). Il devrait ainsi être possible de suivre la progression de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie dégénérative des muscles, dans le cerveau des patients.

Défi Ice Bucket
Avoir l'impression, pendant un court instant, que ses muscles l?chent : un homme qui a accepté le "Ice Bucket Challenge". (Image : Flickr / Kim Quintano)

Nombreux sont ceux qui se souviennent sans doute encore de l'"Ice Bucket Challenge" de l'été dernier. Avec cette campagne, les organisations de patients ont attiré l'attention du public sur la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie musculaire rare, mais insidieuse et incurable. Dans le cadre de l'Ice Bucket Challenge, les personnes ont été invitées, via les médias sociaux, à soutenir financièrement les organisations de patients SLA ou à se verser un seau d'eau glacée sur la tête. Ce dernier devait mettre les participants, pendant un court laps de temps, dans la situation d'un patient dont les muscles sont défaillants.

Dans la SLA, les cellules nerveuses responsables de la commande musculaire se dégradent progressivement. Il en résulte une atrophie et une paralysie des muscles ainsi que, entre autres, des troubles de la marche, de la parole et de la déglutition. Les médicaments peuvent tout au plus retarder l'évolution de la maladie ; souvent, l'espérance de vie après un diagnostic n'est que de quelques années. Les causes de la maladie sont en grande partie inconnues.

Spécifique à un récepteur du cannabis

Une nouvelle substance marqueur, développée par des chercheurs de l'ETH en collaboration avec des experts de l'H?pital cantonal de Saint-Gall et de l'H?pital universitaire de Zurich, pourrait désormais apporter une contribution importante à la recherche sur la SLA. Gr?ce à cette nouvelle substance, il sera peut-être possible de suivre l'évolution de la maladie chez les patients atteints de SLA au moyen de la tomographie par émission de positrons (TEP). La TEP est un procédé d'imagerie qui permet de visualiser certaines molécules à la surface des cellules dans les tissus corporels. Pour ce faire, on utilise des substances marqueurs - appelées ligands TEP - qui se fixent sur ces molécules selon le principe de la clé et de la serrure. Les substances marqueurs sont marquées de manière radioactive, leur rayonnement radioactif étant de courte durée (demi-vie de quelques minutes à quelques heures). Le PET permet de mesurer ce rayonnement.

PET-scan
Coupe de cerveau d'une souris prise au moyen de la tomographie par émission de positrons (TEP) sans (à gauche) et avec (à droite) du tissu nerveux enflammé. Les tons jaunes et rouges indiquent le récepteur 2 des cannabino?des. (Image : ETH Zurich / Simon M. Ametamey)

Le ligand TEP nouvellement développé se fixe sur une molécule réceptrice de la voie de transmission des signaux des composants du cannabis par l'organisme - le récepteur 2 des cannabino?des (CNR2). Celui-ci est surtout présent dans les tissus nerveux enflammés, notamment dans le système nerveux central des patients atteints de SLA.

"Le grand défi de notre travail a été de développer un ligand TEP qui se fixe uniquement sur le CNR2, mais pas sur le récepteur cannabino?de 1 (CNR1) apparenté", explique Simon Ametamey, professeur au Département des sciences pharmaceutiques de l'ETH Zurich. En effet, le CNR1 est présent dans le cerveau de tous les êtres humains. C'est là qu'il transmet les effets analgésiques et enivrants du cannabis.

Aussi pour d'autres maladies

Les chercheurs du groupe d'Ametamey ont synthétisé une série de molécules et ont mesuré en éprouvette leur capacité à se fixer sur les récepteurs CNR2 et CNR1. Ils ont finalement testé avec succès la molécule ayant la préférence la plus marquée pour CNR2 chez des rats et des souris dont le tissu nerveux était enflammé. Les scientifiques ont déposé une demande de brevet pour cette molécule. Des études cliniques chez l'homme sont encore attendues.

"Le nouveau ligand PET pourrait un jour aider à mieux étudier la SLA et à comprendre comment la maladie progresse", explique Ametamey. Il pourrait également être utilisé pour le dépistage précoce de la maladie. Il serait également intéressant pour la recherche et le diagnostic d'autres maladies qui entra?nent une inflammation du tissu nerveux, comme les maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques.

Potentiel en tant qu'agent thérapeutique

L'un des inconvénients du nouveau ligand PET est que sa radioactivité repose sur l'isotope carbone-11. En effet, la radioactivité du carbone-11 s'estompe très rapidement ; toutes les 20 minutes, elle diminue à chaque fois de moitié. "La substance ne peut donc être utilisée qu'à l'endroit où elle est produite. Un transport de Zurich à Saint-Gall n'est déjà pas envisageable", explique Ametamey. Lui et ses collègues sont donc en train de développer la substance et d'y intégrer l'isotope fluor-18, dont la demi-vie est de 110 minutes. Les premiers succès se dessinent déjà, comme le dit Ametamey.

La molécule aurait en outre un potentiel sous une forme modifiée, non radioactive : "Les substances qui se lient à CNR2 ont un effet anti-inflammatoire dans le corps", explique Ametamey. "Il serait donc envisageable d'utiliser un jour des molécules apparentées comme médicament dans le traitement de la SLA ainsi que d'autres maladies qui entra?nent une inflammation des nerfs".

La recherche a été soutenue financièrement par la Fondation suisse pour la SLA et la Fondation Vontobel.

Référence bibliographique

Slavik R, Müller Herde A, Bieri D, Weber M, Schibli R, Kr?mer SD, Ametamey SM, Mu L : Synthesis, radiolabeling and evaluation of novel 4-oxo-quinoline derivatives as PET tracers for imaging cannabinoid type 2 receptor. European Journal of Medicinal Chemistry, 2015. 92 : 554-564, page externedoi : 10.1016/j.ejmech.2015.01.028

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