Plus petit, plus rapide, moins cher

Pour transmettre rapidement de grandes quantités de données via des c?bles à fibres optiques, comme l'exige Internet, il faut des modulateurs performants qui transforment les signaux électriques en signaux optiques. Des chercheurs de l'ETH ont développé un modulateur cent fois plus petit que les modèles disponibles dans le commerce.

Vue agrandie : Micro-modulateur
Micromodulateur en or sur une image colorée de microscopie électronique. Dans la fente au centre de l'image, la lumière est convertie en polaritons de plasmon, modulée et reconvertie en impulsions lumineuses. (Image : Haffner et al. Nature Photonics)

En février 1880, l'inventeur américain Alexander Graham Bell a testé dans son laboratoire de Washington un appareil qu'il a lui-même qualifié de sa plus grande réalisation, avant même le téléphone : le "photophone". L'idée de Bell de transmettre des mots prononcés sur de grandes distances à l'aide de la lumière était le précurseur d'une technique sans laquelle l'Internet moderne serait impensable. Aujourd'hui, d'énormes quantités de données sont envoyées à une vitesse fulgurante sous forme d'impulsions lumineuses à travers des c?bles en fibre optique, mais pour cela, elles doivent d'abord être converties de signaux électriques, avec lesquels travaillent les ordinateurs et les téléphones, en signaux optiques. Chez Bell, c'est un simple miroir très fin qui transformait les ondes sonores en lumière modulée. Les modulateurs électro-optiques actuels sont plus compliqués, mais ils ont un point commun avec leur ancêtre : avec quelques centimètres, ils sont toujours assez grands, surtout en comparaison avec les composants électroniques qui ne mesurent que quelques micromètres.

Dans un article novateur publié dans la revue spécialisée "Nature Photonics", Juerg Leuthold, professeur de photonique et de communication, et ses collaborateurs ont présenté un modulateur d'un nouveau genre, cent fois plus petit et donc facile à intégrer dans les circuits électroniques. En outre, il est aussi nettement moins cher et plus rapide que les modèles traditionnels et consomme massivement moins d'énergie.

L'astuce des plasmons

Pour réaliser ce tour de force, les chercheurs entourant Leuthold et son doctorant Christian Haffner, qui a participé au développement d'une grande partie du modulateur, ont recours à une astuce technique. Pour pouvoir construire un modulateur aussi petit que possible, ils doivent d'abord concentrer un faisceau lumineux dont l'intensité doit être modulée électriquement sur un très petit volume. Or, selon les lois de l'optique, un tel volume ne peut pas être plus petit que la longueur d'onde de la lumière elle-même. Pour les télécommunications, on utilise aujourd'hui une lumière laser d'une longueur d'onde d'un micromètre et demi, ce qui représente donc une limite inférieure pour les dimensions du modulateur.

Pour passer malgré tout en dessous de cette limite, la lumière est d'abord transformée en polaritons plasmoniques de surface. Ces êtres hybrides composés de champs électromagnétiques et d'électrons se déplacent près de la surface d'une bande métallique. ? l'extrémité de la bande métallique, ils se transforment à nouveau en rayon lumineux. L'avantage : les polaritons plasmoniques peuvent être concentrés dans un espace beaucoup plus petit que la lumière dont ils sont issus.

Modifier l'indice de réfraction de l'extérieur

Pour finalement contr?ler électriquement l'intensité de la lumière sortante et générer ainsi les impulsions nécessaires à la transmission des données, les chercheurs utilisent le principe de l'interféromètre. Il s'agit par exemple de diviser un faisceau laser en deux à l'aide d'un miroir semi-transparent et de les réunir à nouveau à l'aide d'un autre miroir. Les ondes lumineuses se superposent (elles "interfèrent") et s'amplifient ou s'affaiblissent ainsi l'une l'autre - en fonction de la modification de leur état d'oscillation relatif (phase) dans les deux bras de l'interféromètre. Un changement de phase est par exemple d? à un indice de réfraction différent, qui détermine la vitesse des ondes. Si l'un des bras contient un matériau dont l'indice de réfraction peut être modifié de l'extérieur, la phase relative des deux ondes peut être contr?lée et l'interféromètre peut ainsi être utilisé comme modulateur de lumière.

Dans le modulateur des chercheurs de l'ETH, ce ne sont toutefois pas des rayons lumineux, mais des polaritons de plasmon qui sont envoyés à travers un interféromètre de moins d'un micromètre de large. En appliquant une tension, on peut à nouveau modifier l'indice de réfraction et donc la vitesse des plasmons dans un bras de l'interféromètre et moduler ainsi leur amplitude d'oscillation (amplitude) à la sortie. Ensuite, les plasmons sont à nouveau convertis en lumière, qui est injectée dans une fibre optique pour une transmission ultérieure.

Moins de consommation d'énergie

Le modulateur de Leuthold et ses collègues présente plusieurs avantages à la fois. "Il est incroyablement petit et simple, et en plus, c'est le modulateur le moins cher jamais construit", explique Leuthold. En fait, il se compose d'une couche d'or de seulement 150 nanomètres d'épaisseur sur du verre et d'un matériau organique dont l'indice de réfraction varie lorsqu'une tension électrique est appliquée, modulant ainsi les plasmons dans l'interféromètre. Il est ainsi beaucoup plus petit que les modulateurs de lumière traditionnels et nécessite par conséquent très peu d'énergie - pour un taux de transmission de données de 70 gigabits par seconde, seulement quelques millièmes de watts. Cela correspond à un centième de la consommation des modèles courants.

Ce faisant, il contribue également à la protection de l'environnement, car l'énergie dépensée dans le monde pour la transmission de données est considérable - des modulateurs se trouvent dans chaque ligne de données en fibre optique. Année après année, des quantités croissantes de données doivent être transmises toujours plus rapidement, ce qui entra?ne une augmentation de la consommation d'énergie. Une économie cent fois supérieure serait donc plus que bienvenue. "Notre modulateur permet de communiquer davantage avec moins d'énergie", résume le professeur de l'ETH. La fiabilité du modulateur fait actuellement l'objet de tests de longue durée, une étape importante sur la voie de la maturité des applications.

Référence bibliographique

Haffner C et al : Le modulateur Mach-Zehnder tout-plasmonique permet une communication optique à grande vitesse à la microscale. Nature Photonics, 27 juillet 2015, doi : page externe10.1038/nphoton.2015.127

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