Le phosphore dans l'agriculture

En tant que nutriment végétal, le phosphore joue un r?le central dans l'agriculture. Gr?ce à une sélection ciblée, les plantes pourraient mieux utiliser le phosphore disponible dans le sol. Mais il existe aussi des stratégies innovantes pour améliorer le recyclage du phosphore.

Vue agrandie : Le phosphore dans l'agriculture
En tant que nutriment végétal, le phosphore sert d'engrais dans l'agriculture. Le cycle de la matière n'est toutefois pas fermé en de nombreux endroits. (Photo : blacklord/flickr, montage : ETH Zurich)

Un symposium sur les tendances de l'utilisation du phosphore pour l'agriculture s'est récemment tenu à l'ETH et a réuni plus d'une centaine de participants. L'éventail des thèmes abordés était varié : il s'agissait de la production d'engrais phosphatés à partir de différentes ressources, de leur utilisation efficace dans l'agriculture, ainsi que des mécanismes de pertes de phosphore et des moyens de les réduire [1]. Je voudrais présenter ici deux aspects à titre d'exemple : I) comment mieux utiliser le phosphore déjà présent dans le sol et II) comment améliorer l'approvisionnement en phosphate des sols dans les pays en développement.

Pas de circuit fermé

En Suisse comme dans l'UE, l'agriculture est responsable des plus grands flux de phosphore. Il s'agit en grande partie d'importations d'engrais, car le phosphate brut, le produit de base des engrais phosphorés, n'est guère extrait en Europe. On ne peut donc pas parler d'un circuit fermé.

Vue agrandie : bilan du phosphore dans l'UE
Le bilan du phosphore dans l'UE15. Les régions en bleu indiquent les régions où l'utilisation de phosphore est particulièrement élevée. (Graphique : [2])

Or, depuis des décennies, certaines surfaces agricoles re?oivent plus de phosphore qu'elles n'en absorbent à nouveau par les plantes. On parle d'un bilan positif du phosphore (figure 1). Il existe différentes possibilités d'utiliser le phosphore de manière plus efficace et de boucler le cycle du phosphore dans l'agriculture. L'utilisation ciblée d'engrais de ferme, c'est-à-dire d'excréments d'animaux de rente comme source naturelle de phosphore, pourrait réduire l'utilisation d'engrais minéraux importés. Mais pour éviter la surfertilisation, il faut également une gestion appropriée des engrais. Certains engrais libèrent immédiatement le phosphore qu'ils contiennent, de sorte que les agriculteurs doivent les utiliser plus régulièrement et de manière plus ciblée, à proximité immédiate des racines. D'autres libèrent le phosphore de manière différée et agissent donc sur une plus longue période. En fin de compte, chaque culture a des besoins différents en ce qui concerne le moment où il faut plus ou moins de phosphore pour une croissance optimale.

Rendre le phosphore disponible utilisable

Toutefois, si l'engrais déjà épandu n'est pas rapidement utilisé par les plantes, il est souvent très rapidement fixé dans le sol. Sous cette forme, les plantes ne peuvent que très difficilement l'absorber et l'utiliser. Ces dernières années, la recherche s'est concentrée précisément sur ces formes de phosphore "difficilement disponibles" et sur la manière dont on pourrait les rendre utilisables. Une possibilité consiste à miser davantage sur les plantes qui possèdent un système racinaire particulièrement grand et fin. Ainsi, chaque plante exploite davantage de sol et dispose donc potentiellement de plus de phosphore à absorber. Certaines variétés d'orge à longs poils racinaires sont par exemple beaucoup plus efficaces pour absorber le phosphore que d'autres céréales. En outre, au cours de l'évolution, certaines plantes ont développé des mécanismes leur permettant d'absorber du phosphore fortement lié. Elles peuvent par exemple émettre des acides organiques qui dissolvent certains composés phosphorés et les rendent ainsi disponibles. Une sélection et une culture ciblées de ces propriétés végétales permettraient aux plantes d'exploiter des composés phosphorés jusqu'ici inutilisés dans le sol. [3]

Récupération du phosphore

Vue agrandie : Toilettes séparatrices
Les toilettes séparatrices facilitent la récupération de substances nutritives comme le phosphore dans les excréments humains. (Photo : Kai Udert, Eawag)

Alors que les sols européens sont relativement bien approvisionnés en phosphore, la situation est souvent très différente dans les régions pauvres du monde. Les sols y contiennent souvent moins de phosphore disponible pour les plantes. Les engrais phosphorés y sont également souvent trop chers pour la population locale. D'autre part, de grandes quantités de phosphore restent inutilisées, surtout dans les grandes agglomérations : Le phosphore absorbé via l'alimentation finit en grande partie dans les égouts via les excréments humains. Une possibilité d'aborder ce problème a été présentée lors du symposium : les toilettes dites séparatrices [4]. Dans ce cas, les excréments humains liquides et solides sont collectés séparément (figure 2). L'urine contient plus de 60% du phosphore excrété par l'homme. Des méthodes simples (par exemple l'ajout de magnésium puis le séchage) permettent d'obtenir de la struvite, un engrais contenant du phosphore et de l'azote. Environ la moitié du phosphore excrété par l'homme pourrait ainsi être recyclée. Un effet secondaire utile est la désactivation partielle des agents pathogènes pendant le processus de séchage. Kai Udert, par exemple, fait des recherches sur l'amélioration du processus à l'Eawag et travaille notamment sur ce sujet en Afrique du Sud et au Népal. L'objectif est de récupérer non seulement le phosphore mais aussi le plus grand nombre possible d'autres nutriments dans l'urine [5]. Ainsi, les toilettes séparatrices pourraient non seulement améliorer la situation hygiénique dans les ménages, mais aussi contribuer à un meilleur approvisionnement en phosphore dans l'agriculture.

Informations complémentaires

[1] Le symposium "Phosphorus in agriculture : Where are we going ?" s'est tenu les 15 et 16 janvier 2015 à l'ETH et a été organisé par le groupe de nutrition des plantes (Prof. Frossard). Des experts nationaux et internationaux ont partagé leurs connaissances avec des étudiants et des visiteurs externes. Le programme détaillé est ici disponible.

[2] Bruna Grizetti, Faycal Bouraoui, Alberto Aloe : page externe?quilibre nutritionnel européen spatialisé, 2007

[3] Article scientifique sur l'utilisation du phosphore par les plantes :

Richardson, A.E., Lynch, J.P., Ryan, P.R., Delhaize, E., Smith, F.A., Smith, S.E., Harvey, P.R., Ryan, M.H., Veneklaas, E.J., Lambers, H., Oberson, A., Culvenor, R.A., Simpson, R.J., 2011. Plant and microbial strategies to improve the phosphorus efficiency of agriculture. Plant and Soil 349, 121-156. doi : page externe10.1007/s11104-011-0950-4

[4] Rapports de recherche sur les toilettes à séparation : page externeMix ou NoMix ? A Closer Look at Urine Source Separation

[5] Projet page externeVUNA - Récupération des nutriments en Afrique du Sud

A propos de l'auteur

JavaScript a été désactivé sur votre navigateur