Le long chemin de Lima à Paris

La conférence sur le climat de Lima n'a que peu fait avancer la discussion sur la manière dont les Etats comptent stopper le réchauffement climatique. Y a-t-il une chance réaliste de parvenir à un accord sur le climat à Paris en 2015, alors que la préparation à Lima s'est si mal passée ?

La planète Terre dans une bouée de sauvetage
Les négociations climatiques de Lima ont donné de maigres résultats. Le chemin vers un accord efficace sur le climat à Paris en 2015 est long. (Illustration : David Castillo Dominici / freedigitalphotos)

Les Etats-Unis et la Chine ont annoncé à l'avance, de manière inattendue et concrète, leurs propositions pour les objectifs nationaux en matière de CO2-Les réductions d'émissions de gaz à effet de serre ont été annoncées en décembre, et de nombreux observateurs avaient de grands espoirs pour la conférence climatique de Lima (voir page externeArticle dans le Guardian). La conférence s'est achevée dimanche. Alors qu'aucun accord ne semblait possible pendant longtemps, les parties ont finalement adopté un document. Le fait que tout le monde s'assoie autour d'une table et s'accorde à dire que le changement climatique est réel, qu'il est d'origine humaine et qu'il devrait être limité doit être considéré comme positif. Mais comme toutes les décisions de l'ONU doivent être prises à l'unanimité, il ne reste souvent que l'accord sur le plus petit dénominateur commun. Le document reste ainsi vague. Dans les passages importants, le texte de négociation proposé n'est pas accompagné de points de repère clairs pour les négociations à Paris, mais d'une sélection de formulations et d'options non contraignantes.

Un maigre résultat, mais des signes positifs

Le signe peut-être le plus positif : La division entre pays industrialisés (annexe 1) et pays en développement, inscrite dans le procès-verbal de Kyoto, a en grande partie disparu. L'objectif pour un nouvel accord est que tous doivent apporter leur contribution, et ce "selon leurs responsabilités et leurs capacités" ("common but differentiated responsibilities and respective capabilities"). Certains pays en développement connaissent une croissance rapide, et la Chine a déjà des émissions de CO2-par habitant et par an que de nombreux pays de l'UE. C'est pourquoi la séparation entre pays industrialisés et pays en développement doit dispara?tre. Il est toutefois évident que toutes les divergences ne sont pas encore résolues et que certains pays en développement souhaitent conserver leur statut - et les dérogations qui y sont liées - à l'avenir. Le texte de négociation contient plusieurs variantes sur ce point. La variante A parle simplement de "toutes les parties", tandis que la variante B souligne les inégalités et engage les pays industrialisés à faire les premiers pas ("in accordance with their common but differentiated responsibilities and respective capabilities, and their specific national and regional development priorities, objectives and circumstances / social and economic conditions with developed country parties taking the lead").

Le casse-tête de la répartition des charges

Pour limiter le réchauffement à 2 degrés par rapport à l'ère préindustrielle, les émissions mondiales devraient être réduites de 40 à 70% d'ici 2050 par rapport à 1990, et elles devraient être proches de zéro d'ici la fin du 21e siècle. La plus grande partie de ce que l'on appelle le CO2 budget, c'est-à-dire les émissions que nous pouvons encore nous permettre dans le cadre de l'objectif des 2 degrés, a déjà été émis (voir contribution : Pas de renversement de tendance pour les émissions de CO2). La question la plus difficile est de savoir qui peut encore émettre quelle quantité du reste (voir l'article sur le blog climatique de l'ETH : Querelle autour du g?teau CO2).

Cette question d'équité est peut-être le point le plus critique de la discussion. Si quelques agriculteurs doivent se mettre d'accord sur la manière d'utiliser l'eau d'une source commune, les chances de parvenir à un accord sont bonnes : tous ont des intérêts similaires, chacun a un avantage immédiat si tout le monde participe, et il y a un contr?le social ou, si nécessaire, un contr?le par la police. Dans la question du climat, les parties concernées ont des intérêts très différents, ont profité à des degrés divers de ressources fossiles bon marché et ont contribué au problème. De plus, le bénéfice d'une limitation à 2 degrés du réchauffement climatique n'est pas immédiat, mais concerne surtout les générations futures. Il est tentant pour chacun de laisser l'effort aux autres, et il n'existe pas de police internationale. De plus, le changement climatique est lié à de nombreuses autres questions comme la qualité de l'air, l'alimentation, la dépendance vis-à-vis de l'étranger, la santé et l'aménagement du territoire, qui ont elles aussi des spécificités nationales. Du c?té des scientifiques, il existe quelques propositions concrètes de répartition des charges (voir graphique) et de nombreux arguments sur les questions éthiques, et les représentants des nations les connaissent. Ils travaillent dur pour trouver des solutions, mais dans les circonstances actuelles, il est extrêmement difficile de trouver un accord que tout le monde puisse accepter comme raisonnablement équitable.

Vue agrandie : ?missions de gaz à effet de serre et propositions de répartition de la charge des réductions
de gaz à effet de serre en Europe occidentale pour trois propositions de répartition de l'effort (CPC, RCI, IND_PRO). Toutes respectent l'objectif de 2°C (avec une probabilité de 66%). A titre de comparaison, les émissions sans intervention pour la protection du climat (BAU). (Rapport OcCC 2012)

La question des périodes d'engagement n'est pas non plus résolue, ni celle de savoir quels pays industrialisés doivent verser combien d'argent au Fonds vert pour le climat pour les dommages climatiques dans les pays en développement (voir l'article de Gabi Hildesheimer : Renforcer la confiance pour lutter contre le changement climatique).

Douze heures moins cinq pour l'objectif des deux degrés

L'analyse de la situation actuelle en matière de protection du climat revient au même à chacune des négociations climatiques annuelles. Les réductions d'émissions promises par les pays sont loin d'être suffisantes pour atteindre l'objectif des 2 degrés. Nous sommes sur une trajectoire qui pousse le réchauffement climatique bien au-delà de 2 degrés par rapport à l'ère préindustrielle, principalement en raison de la forte croissance des pays émergents et de la renaissance du charbon et du gaz naturel (voir l'article : Pas de renversement de tendance pour les émissions de CO2). Les déclarations des scientifiques sur le changement climatique ne sont pas devenues plus dramatiques, mais le temps nous est compté. Il n'est pas impossible d'atteindre encore l'objectif des 2°C, mais chaque année de retard rend la t?che plus difficile, plus co?teuse et nous fait prendre de plus grands risques (voir page externeRapport 2014 sur l'écart des émissions). En bref, nous profitons de l'énergie bon marché et repoussons la solution du problème à la génération suivante.

Percée à Paris en 2015 ?

Si un nouveau traité doit être conclu à Paris en 2015, de nombreux obstacles doivent encore être levés. La répartition des charges pour la prévention des émissions n'est notamment pas claire. Dans l'optique d'une protection efficace du climat, il ne s'agit pas seulement de savoir s'il y a un traité, mais aussi quels chiffres de réduction il contient. Si ce traité laisse chaque pays libre de décider combien il veut réduire, un tel traité peut certes être utile en tant qu'accord-cadre légal, mais il serait largement inutile pour limiter le changement climatique.

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