Parce que nous pouvons (ou ne pouvons pas) nous le permettre !

Près de la moitié des aliments gaspillés proviennent des ménages. Tant que chacun d'entre nous pensera que le gaspillage alimentaire est le problème des autres, il sera difficile d'y remédier. Mais comment pouvons-nous ouvrir les yeux des gens sur leur propre comportement afin qu'ils prennent conscience de leur responsabilité à l'avenir ?

Vue agrandie : Food Waste
Le gaspillage alimentaire. (Image : iStock)

Près d'un aliment sur cinq que nous achetons finit à la poubelle, au compost ou dans l'estomac de nos animaux domestiques. Comment se fait-il que de nombreuses personnes ne reconnaissent pas le problème du gaspillage alimentaire dans leur propre ménage ? Et comment pouvons-nous influencer ou même corriger cette perception décalée ?

Là où ?a ne fait pas mal, la conscience fait souvent défaut

Dans les pays riches, nous pouvons toujours nous permettre d'acheter plus de denrées alimentaires que ce dont nous avons besoin - du moins financièrement. Seuls sept pour cent de notre budget sont consacrés à ce domaine. Même si nous en jetons une partie considérable, le porte-monnaie n'en souffre que marginalement. D'un point de vue pécuniaire, la plupart des gens n'ont donc aucune pression pour regarder leurs propres doigts, bien que les aliments gaspillés représentent chaque année un montant à quatre chiffres dans un ménage moyen.

Vue agrandie : Comparaison Suisse - Cameroun
Budget consacré à la nourriture et au gaspillage alimentaire en Suisse et au Cameroun. (Illustration : association foodwaste.ch)

Nous pouvons plus facilement évincer qu'auparavant

Nous savons tous que nous ne devrions pas jeter les aliments pour diverses raisons. Si cela arrive malgré tout, nous le refoulons automatiquement. Un vieux yaourt est jeté à la poubelle en un clin d'?il. Loin des yeux, loin du c?ur. Et comme nous stockons de toute fa?on des réserves abondantes et que nous nous trouvons régulièrement devant des rayons de magasins bondés, le yaourt en question ne nous manque pas non plus et nous nous souvenons à peine que nous avons en fait gaspillé inutilement un produit précieux.

Autrefois, c'était très différent. Lorsque l'on ne prend pas simplement les aliments dans les rayons des magasins, mais qu'on les cultive soi-même dans son propre jardin ou qu'on va les chercher directement à la ferme et qu'on investit du temps pour préparer soi-même un repas ou une p?tisserie, on s'identifie fortement à eux. On prend conscience du travail que représente un aliment et on estime sa valeur. S'il est ensuite jeté négligemment, cela fait mal.

"Le gaspillage alimentaire est le problème des autres !"

Benne à ordures avec Food Waste
(Image : iStock)

Une étude récente commandée par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a analysé le comportement des consommateurs en matière de gaspillage alimentaire [1]. L'enquête représentative menée auprès de plus de 1000 habitants a notamment montré que la plupart des personnes interrogées partaient du principe que chez elles, peu de denrées alimentaires finissaient à la poubelle. Ils estiment que leurs propres pertes sont bien inférieures à la valeur que les autorités supposent pour un ménage moyen.

Cet écart complique le travail de sensibilisation, tout simplement parce que la conscience fait défaut : la pression du problème per?ue individuellement et donc la volonté de contribuer à la solution sont faibles. Cela se traduit également par le fait que seule une nette minorité de 28% des personnes interrogées sait que les ménages privés sont les principaux responsables des déchets alimentaires.

Information et interaction

L'année dernière, une exposition itinérante sur l'ampleur et le contexte du gaspillage alimentaire a tenté d'attirer l'attention des passants sur cette thématique. Mais l'information seule ne suffit pas pour changer les habitudes des gens. L'association foodwaste.ch [2] a donc con?u une nouvelle exposition interactive et l'a présentée pour la première fois à la récente Olma de St-Gall. L'attraction principale était la préparation de cro?tons par le cuisinier Mirko Buri à partir de pain excédentaire d'une grande boulangerie, et les gens pouvaient moudre eux-mêmes de la chapelure, ce qui a particulièrement enthousiasmé les enfants. En outre, il était possible de tester ses connaissances sur la meilleure manière de stocker les aliments afin qu'ils se conservent le plus longtemps possible. Afin d'interpeller les personnes qui ne se sentaient pas concernées par le sujet, un concours a été organisé, dans lequel il fallait inventer une recette créative à partir de restes de nourriture. Conclusion : plus les gens peuvent participer eux-mêmes, plus leur intérêt est grand et donc plus l'effet d'apprentissage est important.

Sensibiliser à la durabilité gr?ce à la "formation par l'expérience".

Mais même les expositions interactives ne peuvent guère changer les habitudes de longue date. De plus, elles n'atteignent en général que les personnes qui ont déjà un certain intérêt pour le sujet, et qui sont donc réceptives.

C'est pourquoi, à long terme, nous ne pouvons pas éviter de commencer par les jeunes et de promouvoir très t?t l'estime pour les aliments. Selon moi, cette thématique doit être intégrée dans la formation à différents niveaux. D'une part, des modules d'éducation à l'environnement devraient fournir une base de connaissances sur le gaspillage alimentaire, et les cours de biologie devraient accorder une place importante aux aspects sanitaires de l'alimentation. D'autre part, le lien direct avec les aliments doit être renforcé. Des semaines de projet dans des fermes sont par exemple appropriées pour cela, au cours desquelles les enfants découvrent avec leurs propres sens d'où vient la nourriture, combien de travail se cache derrière et à quel point les produits de la nature sont variés. Une prise de conscience de la saisonnalité et de l'élevage respectueux des animaux devrait aller de soi.

Enfin, il faut un enseignement ménager attractif qui éveille le plaisir de cuisiner et de manger et qui enseigne comment gérer efficacement un ménage.

Informations complémentaires

[1] Gaspillage alimentaire : un problème connu, mais pas ancré : page externeEnquête auprès des consommateurs. Bieri et al., OFEV 2014

[2] page externefoodwaste.ch est la plate-forme suisse indépendante d'information et de dialogue sur le thème du gaspillage alimentaire.

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