"Pause climatique" comme casse-tête communicationnel

Depuis une quinzaine d'années, il ne fait guère plus chaud sur la Terre - malgré l'augmentation des émissions de CO2-d'émissions de gaz à effet de serre. Ce soi-disant hiatus de température n'est guère surprenant pour nous, chercheurs en climatologie, et il s'explique bien sur le plan scientifique. Pour la communication climatique à grande échelle, la "pause climatique" constitue toutefois un véritable défi.

Vue agrandie : discussions autour d'une table lors de la table ronde sur le climat 2013
(image : iStock)

Au cours de la dernière décennie et demie, la température moyenne mondiale n'a pas augmenté de manière significative. Au lieu de cela, elle est restée "bloquée" au niveau élevé qu'elle avait atteint à la fin des années 90. Et ce, bien que la concentration atmosphérique de CO2-a augmenté d'environ 8 pour cent au cours de la même période pour atteindre près de 400 ppm (parties par million).

Phénomène climatique normal

D'un point de vue scientifique, le hiatus de température n'est pas une surprise. En effet, personne ne s'attendait à ce que la température de la Terre évolue exactement au même rythme que l'augmentation des émissions atmosphériques de CO2-ne devrait pas évoluer. En revanche, il est tout à fait conforme aux attentes que le réchauffement à long terme provoqué par l'augmentation des gaz à effet de serre soit fortement masqué par des variations naturelles (voir à ce sujet mon Article de blog "El Ni?o, la Ni?a et le climat mondial"). Cela signifie tout simplement qu'il est normal que des phases de stagnation, voire de refroidissement, interrompent la tendance au réchauffement à long terme. On peut observer cela régulièrement dans l'évolution des températures depuis 1850. Et les causes de l'actuel hiatus de température sont également bien comprises scientifiquement, même si elles ne sont pas encore quantifiées jusqu'au bout (voir à ce sujet l'article de Actualités ETH "Pourquoi le réchauffement climatique fait-il une pause ?").

Dur dur pour la communication climatique

Du point de vue de la communication, le hiatus est en revanche un énorme défi. Il est en effet assez difficile d'expliquer de manière compréhensible pour tous pourquoi le temps nous manque pour atteindre l'objectif des deux degrés, alors que la température globale stagne depuis des années. Beaucoup de nos explications et arguments semblent ne pas être entendus, comme par exemple le fait que le réchauffement de l'ensemble du système terrestre ne stagne pas du tout, car les océans ont continué à se réchauffer [1]. Ou que les extrêmes de température ont augmenté [2], bien que la valeur moyenne soit restée constante.

Le vent en poupe pour les sceptiques

Dans un commentaire récent paru dans Nature [3], deux scientifiques de renom ont demandé que l'on supprime l'objectif des deux degrés, car - comme le montre la pause dans le réchauffement - le lien entre le CO2-et le réchauffement de la planète ne peuvent pas être déterminés avec précision. Ils ont préféré promouvoir des mesures alternatives, comme le réchauffement des océans. On peut certes se demander si l'objectif de deux degrés est le meilleur objectif, mais dans la situation actuelle, cette critique est bien s?r une aubaine pour tous ceux qui sont de toute fa?on prêts à utiliser n'importe quelle justification pour remettre en question le changement climatique d'origine humaine. Pour eux, l'absence apparente de lien entre les émissions de CO2-et le réchauffement de la planète comme argument standard pour saper la compréhension du changement climatique par le grand public. Ils oublient toutefois qu'il ne s'agit pas de variations climatiques à court terme, mais du changement climatique à long terme. Aujourd'hui, alors que la science a pratiquement résolu la question du changement climatique d'origine humaine [4] et qu'elle se concentre désormais sur la manière dont nous pouvons atteindre l'objectif des deux degrés et sur la contribution des différents pays et secteurs, un soutien de plus en plus faible de la population pour les mesures de protection du climat ferait perdre un temps précieux. Car les faits scientifiques sont clairs : nous devons commencer dès maintenant à réduire nos émissions de CO2-Nous devons réduire durablement les émissions de CO2 si nous voulons encore atteindre l'objectif des deux degrés.

Deux principes selon lesquels nous communiquons

Vue agrandie : ronde de Klilmar 2013
La recherche climatique en dialogue avec la société : experts et visiteurs discutent lors de la table ronde 2013 sur le climat de l'ETH (Image : C2SM / Valeriano Di Domenico).

Alors, comment faire pour casser la "noix" dure ? Il n'y a pas de recette miracle, mais les points de départ suivants me semblent très importants et prometteurs :

  • Le scientifique comme sponsor du message: Il n'existe sans doute pas de méthode plus efficace pour transmettre des faits à l'homme et à la femme que le fait que les chercheurs partagent leurs découvertes scientifiques et communiquent eux-mêmes activement et de manière rectiligne.
  • Dialogue d'égal à égal: Un échange constant entre la recherche, la société et les décideurs est nécessaire pour se comprendre, se respecter et se faire confiance. Ce n'est qu'ainsi qu'il est possible de prendre des décisions difficiles dans des situations où il n'existe pas d'information complète et parfaite.

Avec la prochaine Table ronde sur le climat nous - des scientifiques engagés de l'ETH Zurich et d'autres hautes écoles - essayons de mettre en ?uvre ces deux principes de manière efficace. Concrètement, nous souhaitons répondre aux questions et présenter nos arguments lors des tables rondes, en dialogue direct avec les personnes intéressées. Les visiteurs peuvent volontiers nous "défier" - sans caméra ni microphone, directement, en tête-à-tête. Nous avons testé ce format pour la première fois l'année dernière et il a été, à mon avis, un grand succès.

Bannière Climate Round

Venez donc nous voir et discuter avec nous. C'est avec plaisir que mes collègues scientifiques et moi-même expliquerons en détail pourquoi le hiatus de température ne nous surprend pas et pourquoi il semble qu'il prendra fin dans les deux prochaines années.

Informations complémentaires

[1] Meehl, Gerald A., et al. "Model-based evidence of deep-ocean heat uptake during surface-temperature hiatus periods" Nature Climate Change 1.7 (2011) : 360-364.

[2] Seneviratne, Sonia I., et al. "No pause in the increase of hot temperature extremes" Nature Climate change 4.3 (2014) : 161-163.

[3] Victor, D.G. et C. F. Kennel, "Climate policy : Ditch the 2 °C warming goal", Nature, 514, (2014) : 30-31.

[4] GIEC WG1 écrit ainsi : "il est extrêmement probable que l'influence humaine ait été la cause dominante du réchauffement observé depuis le milieu du 20e siècle".

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