50 shades of green : qu'est-ce qui détermine notre avenir en matière d'électricité ?

Au cours de la dernière décennie, les gouvernements, la Commission européenne et de nombreux instituts de recherche ont produit des scénarios pour le système électrique les uns après les autres. Ces scénarios nous informent sur le futur mix électrique et, surtout, sur ses co?ts, en tant que base pour les politiques énergétiques nationales et européennes.

Vue agrandie : Solar towers close to Seville, Spain
Tours solaires près de Séville, Espagne. (Photo : Velvet / Wikimedia)

Dans le contexte de tels scénarios, les acteurs de la politique, de l'industrie, de la société civile et de la science commencent à débattre, généralement en utilisant des arguments "scientifiques" : les co?ts de l'énergie nucléaire ont été supposés trop élevés ou trop faibles, les co?ts pour inclure l'énergie éolienne variable dans le système ont été sous-estimés ou surestimés, la capture et le stockage du carbone ont été supposés trop co?teux, et ainsi de suite.

Mais est-ce vraiment une question de co?t ? La question du nucléaire, par exemple, ne porte-t-elle pas sur le fait qu'on en veuille ou non, plut?t que sur son co?t au kilowatt en 2030 ? Bien s?r que si.

Depuis le débat sur le nucléaire de ces dernières décennies, nous savons que la vision du monde est importante pour les options énergétiques que nous soutenons. Les partisans du nucléaire mettent en avant le co?t (faible à leurs yeux), tandis que les opposants rejettent catégoriquement cette technologie, principalement en raison des risques de déchets, d'accident et de prolifération. Dans un sens, les arguments de co?t s'opposent à la sécurité de nos enfants.

Les énergies renouvelables, bien qu'il s'agisse d'un groupe de technologies largement propre et s?r, présentent des différences idéologiques différentes mais tout aussi profondes.

Supergrids ou électricité décentralisée ?

La perspective politique dominante en matière d'énergies renouvelables est celle d'un super-réseau à l'échelle de l'Europe, de dimensions modestes, avec de grandes quantités d'électricité renouvelable circulant sur le continent pour équilibrer la nature fluctuante de l'énergie éolienne et solaire. De tels scénarios de super-réseaux sont le résultat de modèles d'optimisation des co?ts bien pensés et résonnent bien avec les économistes et les politiciens européens ou nationaux. La protection du climat à moindre co?t est l'objectif de telles visions.

Une autre vision pour les énergies renouvelables envisage la création de régions autarciques qui s'approvisionnent elles-mêmes en électricité, en utilisant les ressources disponibles localement sans commerce entre les régions. Dans de tels futurs énergétiques décentralisés, qui résonnent avec les politiciens locaux et les mouvements citoyens, la création de valeur locale et l'indépendance (vis-à-vis des importations et des grandes entreprises énergétiques) sont les principaux objectifs, et les énergies renouvelables sont un outil approprié pour les atteindre. Les co?ts, toutefois, ne sont guère un paramètre dans cette perspective.

Les valeurs et les visions du monde comptent plus que les co?ts

Excepté pour le mot "énergies renouvelables", les visions décentralisées des énergies renouvelables n'ont pas grand-chose en commun avec les scénarios de super-réseaux renouvelables. Ils représentent des visions du monde complètement différentes et ont des objectifs très différents. Ces différences qualitatives politiques et idéologiques ne sont pas immédiatement visibles dans les scénarios, et elles ne sont guère présentes dans le débat scientifique sur les scénarios énergétiques.

Manquer ce point peut être fatal : il y a quelques années, j'ai été invité à participer à une table ronde contre Hermann Scheer, le gourou de l'énergie décentralisée en Allemagne. Je pensais avoir été très malin en présentant quelques calculs approximatifs sur les raisons pour lesquelles son idée de décentralisation était bien trop co?teuse pour être réaliste. Sa réponse à mes chiffres : "La liberté n'a pas de prix". C'est sans dire que j'ai perdu le débat.

L'Europe est confrontée à un choix important en matière d'électricité : allons-nous rester avec le système d'énergie nucléaire-fossile, ou prendre une voie renouvelable, et si oui, laquelle ? En substance, un débat utile sur l'énergie ne porte pas sur la question de savoir quelles hypothèses de co?ts sont "correctes" ou si un scénario particulier est "réaliste" (car cela - sic ! - dépend de la perspective), mais sur des valeurs et des visions du monde. Le choix porte sur le futur que nous voulons, et non sur ce qu'il en co?te pour l'obtenir.

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